Arcanes, la lettre

Dans ma rue


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archive ou de ressources en ligne. Retrouvez ici les articles de la rubrique "Dans ma rue", consacrée au patrimoine urbain toulousain.

DANS MA RUE


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Monument au Sport et à Mayssonnié. Vue de face. Phot. Christian Soula (c) Inventaire général Région Occitanie, 1993, IVR73_93310218XA

Nulle part ailleurs


juillet-août 2024

Avant d’être l’instrument d’une discipline olympique, l’arc était utilisé comme arme de guerre et de chasse. C’est d’ailleurs grâce à ses flèches qu’Héraclès vient à bout des oiseaux du lac Stymphale, l’un de ses douze travaux. Antoine Bourdelle représente le corps musculeux du héros, tout en tension dans un déséquilibre savant, dans son Héraklès archer créé en 1909. Le succès de cette œuvre est très vite phénoménal et de nombreuses versions en bronze sont éditées : on peut la voir au musée d’Orsay, dans le jardin de Waldemarsudde à Stockholm, au Metropolitan Museum of Art de New York et dans bien d’autres endroits encore. Mais nulle part ailleurs qu’à Toulouse vous ne verrez l’Héraklès archer associé à un moment aux morts.  

Le long du canal de Brienne, au débouché du boulevard Lascrosses s’élève un petit temple antique en béton au centre duquel le héros grec représente l’hommage rendu au Sport et aux sportifs morts à la guerre de 1914-1918. La commémoration s’incarne dans la figure d’Alfred Mayssonié, « athlète le plus représentatif du rugby d’avant-guerre » […] « tué d’une balle au cœur à la bataille de la Marne, le 8 septembre 1914 ». Le médaillon du demi-d’ouverture du Stade Toulousain est également conçu par Bourdelle, tout comme l’architecture du monument à laquelle le sculpteur accordait une grande importance. Voici ce qu’il écrit le 17 juillet 1923 : « Je terminais mon premier monument d’architecture où la sculpture est mon souci de second plan ».  

Selon Pindare, c’est Héraclès qui aurait fondé les Jeux Olympiques ; à l’aube de la XXXIIIe olympiade, courez voir l’Héraklès archer à Toulouse, à Montauban, au musée-jardin Bourdelle d’Egreville ou à Prague !  
Lucie et Henriette Marquès et le commandant Dabry devant l'entrée du Grand Hôtel en 1949 au moment de la sortie du film « Au grand Balcon ». Jean Dieuzaide - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 84Fi8/32.

Vol de nuit


juin 2024
Quoi de plus évident que ce titre du roman de l'aviateur et écrivain Antoine de Saint-Exupéry pour rappeler ce lieu emblématique de la ville de Toulouse ? En effet,  l'hôtel du Grand Balcon, situé entre la rue Romiguières et la rue des lois, avec vue sur la place du Capitole est intimement lié aux noms des pilotes et mécaniciens de l'Aéropostale qui, durant une vingtaine d'années (1919-1939), ont logé entre ses murs lors de leurs séjours à Toulouse. Cet immeuble, bâti dans les années 1850, est le dernier aménagement qui parachève la place du Capitole dont la construction a démarré 100 ans plus tôt par l'érection de la nouvelle façade de l'hôtel de ville. 
Hôtel du Grand Balcon. Carte postale ancienne, vers 1920. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi7086.Il semble avoir abrité dès l'origine un hôtel comme le signale les annuaires de la Haute-Garonne dès 1856. Au tournant du 20e siècle, c'est la famille Marquès qui est à la tête de cet établissement. Les demoiselles Lucie et Henriette, gérantes après le décès de leur parent, sont même évoquées dans le film retraçant l'épopée de l'Aéropostale "Au grand balcon" tourné en 1949.

Dans les années 1920, l'hôtel est rénové et un ascenseur est installé au centre de la cage d'escalier. Une carte postale de cette époque, montre que ses façades sont enduites de blanc, comme celles des autres immeubles de la place du Capitole. Le rez-de-chaussée est occupé par une épicerie, l'entresol accueille le restaurant de l'hôtel et les chambres se répartissent sur les étages.

Protégé au titre des monuments historiques en 1999, l'immeuble a été entièrement rénové et modernisé entre 2003 et 2008. La chambre n° 32 dite d'Antoine de Saint-Exupéry a été remeublée dans le style des années 1930 gardant ainsi le souvenir du grand homme disparu en mer avec son avion, lors d'une mission, le 31 juillet 1944.
Projet pour Toulouse-Le Mirail de Candilis. 1961. Maquette n° 32. Concours ZUP le Mirail Toulouse. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 2OBJ90.

Une oie deux oies trois oies quatre oies cinq oies six oies c’est toi


mai 2024
Non, ce n’est pas en jouant à plouf plouf que sont choisis les architectes chargés de réaliser les grands équipements publics. Dernièrement, c’est à l’issue d’un concours international d’architecture qu’ont été désignés les maîtres d’œuvre de la future halle des mobilités de Marengo dans le cadre du projet d’aménagement urbain Grand Matabiau quais d’Oc.
Les premières traces concrètes du concours d’architecture apparaissent à Florence au 14e siècle pour la construction de la Loge des Priori en 1355. Au 17e siècle, le concours pour le palais du Louvre organisé par Colbert en 1664 est considéré comme le premier de ce genre en France. Depuis lors, cette procédure apparaît comme le meilleur moyen pour comparer les projets, le plus démocratique aussi, et le lieu de toutes les expérimentations possibles.
La pratique explose au 19e siècle et avec elle l’apparition d’une réglementation spécifique. À Toulouse, l’un des premiers concours de la période contemporaine concerne la création d’un réseau de distribution d’eau potable : en 1817, la municipalité met au concours l’alimentation en eau de la ville ; suivent ensuite des concours pour l’édification de fontaines (place de la Trinité en 1824), pour la construction de l’hôtel de la Bourse (1835), pour l’achèvement du Capitole (1840), pour l’édification d’un nouveau théâtre (1844), pour des églises (celui de l’église Saint-Aubin en 1843), pour les marchés (1889), etc.
Si les projets soumis à concours sont légion au 19e siècle, cela ne semble plus être le cas dans l’entre-deux-guerres : l’architecte de la ville règne en maître sur toutes les réalisations de la municipalité socialiste de 1925 à 1935 (écoles, bibliothèque municipale, parc des sports). Seuls les monuments ou les décors liés aux nouveaux édifices suivent alors la procédure du concours, le plus souvent uniquement ouverts aux artistes toulousains.
En revanche, la seconde moitié du 20e siècle voit le retour de cette pratique favorisant « la saine émulation et l’exploitation du potentiel créatif de toute une génération d’artiste ». En 1961, un concours est ouvert pour l’aménagement de la ville nouvelle du Mirail ; en 1981, c’est celui pour la zone d’aménagement concertée de Compans ; au début des années 1990, l’équipe des nord-américains Robert Venturi, Denise Scott Brown et associés remporte le grand concours international pour la construction du nouvel hôtel du Département. On pourrait en citer de nombreux autres encore.
Mis à l’honneur par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, le concours « participe à la création, à la qualité et à l’innovation architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions dans leur milieu environnant » ; son histoire à Toulouse reste à faire.