Nous avons fait connaissance, dans le précédent numéro d'Arcanes, avec le spectre pariétal d'une jeune fille qui hante les caves de l'hôtel Saint-Jean. Cette fois-ci nous allons évoquer une reine répondant au surnom curieux de Pédauque ou Pé-d'auco, forme occitane que l'on peut traduire en français par Pied-d'oie.
L'historien Nicolas Bertrand nous a conté, le premier en 1517, son histoire : Pédauque, alias Austris de son vrai nom, aurait été la fille d'un certain Marcellus, ancien roi de Toulouse. Atteinte de la lèpre, elle se serait alors convertie au christianisme. Bertrand nous donne aussi des indications topographiques. Résidant sur la rive gauche de la Garonne, dans l'actuel quartier Saint-Cyprien, elle y aurait construit des bains portant son nom, attrait pour l'eau bien compréhensible pour une reine au pied palmé. Elle aurait aussi bâti un pont sur la Garonne et aurait été ensevelie à l'église de la Daurade. Ces endroits ont-ils créé la légende ou bien la légende a-t-elle trouvé des lieux pour s'enraciner, selon le paradoxe bien connu de l'œuf ou de la poule, à laquelle les Toulousains aurait substitué une oie ?
En tout cas, Bertrand n'a pas tout inventé puisque le cadastre de 1478 confirme, dès cette époque, l'existence des Bainhs de la Regina Pedauca. Ce site, décrit au 18e siècle par l'ingénieur de Saget et disparu depuis, semble avoir été un réservoir lié à l'aqueduc antique qui avait alimenté Tolosa romaine. Aqueduc qui, d'ailleurs, avait traversé la Garonne sur le pont de Pedauco, comme le montre et le nomme le plan de Jouvin de Rochefort gravé vers 1680, époque où il n'en restait plus que les piles ruinées.
Enfin pour l'église de la Daurade, la présence de la reine avait longtemps été attestée par un couvercle de sarcophage décoré où la scène centrale, Jésus ressuscitant Lazare, était encadrée par des pieds palmés, preuve évidente pour des témoins crédules. Démonté au 18e siècle, ce monument est maintenant conservé au Musée Saint-Raymond et nous vous invitons à le découvrir pour vous rendre compte par vous-mêmes que ces fameux pieds d'oie ne pourraient être que de simples rideaux dont les plis supérieurs forment un éventail au contact de la tringle qui les supporte…
Au final, cette histoire curieuse, et pas complètement élucidée nous en convenons, aura fait couler beaucoup d'encre et user beaucoup de plumes (d'oie évidemment).