ARCANES, la lettre
Zoom sur
Chaque mois, les Archives présentent dans la rubrique "zoom sur" un document issu de ses fonds, nouvellement acquis ou bien un document exceptionnel. Retrouvez ici une petite compilation de tous ces articles.
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Nous sommes en 1952. L’Association française des éclairagistes1 organise, comme régulièrement depuis 1937, les journées nationales de la lumière. Cette année un concours photographique est lancé, qui incite photographes professionnels et amateurs à se saisir de la nuit à l’occasion de la Semaine de la lumière. L’idée est de collecter des images mettant en exergue le soin apporté par la Ville à l’éclairage de l’espace public et des édifices patrimoniaux, mais aussi celui des commerçants à leurs vitrines. Les pratiques changent, nous sommes dans une période d’expansion économique où l’on ne se préoccupe pas de l’accès aux ressources énergétiques et où l’attractivité se joue tant sur la sécurité accordée aux habitants aux heures sombres qu’à l’esthétique : être bien dans sa ville, c’est aussi la trouver belle.
Le fonds du concours photographique “Lumières sur la ville” compte près de cinq cents tirages dont plus de soixante-dix sont de Jean Dieuzaide. Certains ont été réalisés pour l’occasion, d’autres pour les besoins de clients.
Si les images de nuit sont courantes aujourd’hui, celles du 20e siècle nécessitaient une maîtrise technique qui n’était pas à portée de téléphone. Il fallait s’équiper d’un trépied, d’une cellule pour mesurer la lumière et régler l’appareil, de patience pour faire la mise au point et de son expérience pour évaluer le type de pellicules à embarquer. Mais le résultat était souvent si inattendu qu’il avait quelque chose de magique.
Ce fonds nous embarque parfois dans une atmosphère de polar, rues désertes aux pavés luisants. On pourrait voir Bogart surgir d’une voiture à traction, ouverture des portes vers l’arrière et marche-pied, vêtu d’un imper, borsalino et cibiche au bec, à Toulouse-sur-Chicago.
1. L’association existe toujours, sous le nom d’Association française de l’éclairage.
Des oies et des jeux ! Non, nous ne sommes pas dans un cirque romain, mais bien dans l’enceinte du Stadium où, en ce 24 mai 1953, le Toulouse Football Club rencontre le Cercle Athlétique de Paris. Sur le terrain, se tiennent côte à côte les joueurs du club toulousain devant leur nouvelle mascotte, une oie baptisée « Jeanne-Marie ». Le palmipède leur aura porté chance puisque, à l’issue de cette saison, le club toulousain est sacré champion de France de deuxième division.
Réalisée par André Cros, cette image révèle toute la malice du photographe. Captant l’air amusé des joueurs observant l’animal, puis nous le donnant à voir, il créé un ping-pong visuel efficace. « Les observateurs/scrutateurs observés » pourrait-on lire en légende du cliché.
Pour la petite histoire, l’oie devient l’emblème du TFC en avril 1953, suite au déplacement du club à Strasbourg, lors d’un match décisif de la division 2. Souhaitant offrir un cadeau à leurs homologues alsaciens, les dirigeants toulousains leur apportent une oie… vivante ! Hélas, un penalty sifflé en faveur du TFC – qui remporte la rencontre 2-1 – provoque la colère du président strasbourgeois. Hors de question qu’il garde l’animal ! Jeanne-Marie est ramenée à Toulouse, fêtée avec les joueurs à leur arrivée, devenant ainsi la mascotte du club avant de finir empaillée.
La découverte d’un fonds d’archives s’accompagne, bien souvent, de son lot de surprises et d’étonnements. Très récemment, celui du photographe toulousain Louis Albinet (1850-1938) a encore frappé. Après avoir évoqué les apparitions inattendues à l’image de son ombre lors d’un précédent billet, cette fois, c’est celle de cet escalier monumental qui est restée solidement ancrée dans ma mémoire. Nos lecteurs cinéphiles ont peut-être déjà une petite idée, mais aujourd’hui on voyage à Odessa, et je vous raconte à quel point une seule photographie peut avoir le pouvoir de témoigner si subtilement de l’histoire. En 1925, une scène mythique de l’un des monuments de l’histoire du cinéma, Le Cuirassé Potemkine, fait entrer dans l’Histoire les 192 marches de l’escalier Richelieu d’Odessa. Réalisé par Sergueï Eisenstein, le film raconte un épisode historique de la Russie : la révolte et la mutinerie de l’équipage du Cuirassé Potemkine survenues pendant la révolution de 1905, considérées comme prémices de la Révolution d’Octobre 1917. Ce long-métrage, en plus d’être pour l’époque une véritable prouesse technique usant d’un des premiers travellings du cinéma, est surtout réputé pour être une des œuvres de propagande majeure du XXe siècle. Sous la demande du gouvernement soviétique en place, l’auteur romance et transforme l’histoire, usant de procédés esthétiques révolutionnaires, pour appuyer la nouvelle philosophie idéologique en place.
Attendez, pas la peine de vous essouffler en grimpant à toute allure ces 142 mètres qui s’étendent entre ces deux différents récits d’une seule et même histoire. Prenons tout de même un peu de temps pour faire une pause, et arrêtons-nous sur un des neuf paliers intermédiaires pour écouter celle de Louis Albinet, l’auteur de cette vue stéréoscopique sur plaque de verre. Au cours de la Première Guerre mondiale, le photographe est mobilisé sur le front d’Orient et intègre le Service Archéologique de l’Armée d’Orient. Dans ce cadre, il produit une importante quantité de clichés et nous fait voyager en Grèce, allant de Salonique à Delphes, puis en Turquie, pour terminer sa course, en mars 1919, dans la ville d’Odessa. Peu avant son retour en France, il nous dévoile l’atmosphère hivernale de cette ville et arpente ses avenues enneigées. Situé en contrebas de cette enfilade interminable de marches, il double de quelques années le réalisateur russe, et révèle cet ouvrage architectural qui deviendra, des décennies plus tard, si célèbre.
Croyez-le ou non, les escaliers ont bien des histoires à nous raconter. Je ne peux d’ailleurs pas m’empêcher de terminer cet article par une de mes dernières trouvailles, encore signée de la main de Monsieur Albinet. Il nous emporte avec lui à Sienne, en Italie, en compagnie de sa très chère épouse. Qui sait, peut-être que cet escalier fort photogénique, mis en valeur par les douces lumières des vacances, ainsi que la pose de Juliette Albinet vous évoqueront quelques belles histoires et raviveront les scènes les plus marquantes issues de vos films ou séries favoris.
Ce qui est incroyable avec le fonds Dieuzaide c’est que vous tirez sur un fil et toute la pelote se déroule. Un peu comme quand je cherche un titre à mon article. Par exemple, sur le thème de la grenouille, une première recherche nous permet de découvrir un reportage de 1946 intitulé « Quatre jeunes filles en vacances à la campagne » où une des photographies porte la légende « chasse à la grenouille ». C’est maigre pour un article Arcanes. A peine peut-on parler du fait que ce sont les premières vacances post-guerre et que Jean Dieuzaide, comme ses contemporains, souhaite passer à autre chose, montrer que la jeunesse française peut se détendre, profiter de la paix, sortir les bikinis et taquiner le batracien. Sorte de mantra pour conjurer la morosité. D’ailleurs, dès 1945 il avait photographié les premières vendanges en temps de paix après 6 années de répression.
Mais en creusant plus avant, de frogs en rosbifs, s’impose la question de la cuisine traditionnelle ou, plus largement, de l’alimentation. Et là, il y a. Plus qu’on ne pense. Il y a de quoi illustrer une évolution de la production agroalimentaire et de sa communication pendant les Trente Glorieuses.
Joie. Et frustration parce que l’exhaustivité est une illusion.
Nous avons donc, pour la production, le gavage des oies à la main et avec le sourire (toujours en 1946 et visible en ligne), la transformation et le conditionnement du lait dont la production de beurre (Union laitière coopérative), de biscottes (Paré), la cueillette (alimentation de Provence). Le conditionnement n’est pas en reste avec un reportage sur la verrerie ouvrière d’Albi et la verrerie BSN. Signalons un reportage dédié à la production de berlingots pour le lait et des images de produits à fins publicitaires chez ULC.
Et la commercialisation, on en parle ? Le fonds regorge de prises de vues dans les foires et les marchés, que ce soit autour de joueurs de rugby, de célébrités résidant ou de passage à Toulouse et bien entendu des reportages spécifiques sur les activités économiques. Cela nous mène inévitablement aux foires-expo ou au marché-gare, dont il a également suivi la construction, des maquettes (pour la municipalité de Toulouse) à la fabrication par les Ateliers de la Rive (nous en avions exposé un tirage aux Jacobins en 2021-2022) et l’entreprise Loupiac. Inauguré le 21 avril 1964, André Cros s’y trouve, alors que Jean Dieuzaide est à Arnaud-Bernard pour suivre sa dernière journée de vente. Rassurons-nous, il a suivi de près l’arrivée de l’Épargne et de Monoprix. Ceci nous permet d’affronter un choix cornélien : architecture ou industrie ? Mais si nous restons fidèles à notre idée de départ et que nous nous en tenons à l’alimentation, d’un marché à l’autre nous passons à Victor-Hugo et aux Carmes, dont Dieuzaide nous offre des avant/après reconstruction. Poussons encore d’un pas et partons dans le Gers, nous y trouvons le marché au gras de Trie-sur-Baïse ; continuons à l’étranger : la nourriture reste très présente dans les reportages au Portugal, en Turquie et en Espagne. Poursuivons plutôt vers le nord : même à Londres, il nous délecte d’étals. Nous voici presque au point de départ, un petit saut de grenouille et nous voilà sur nos pattes.
Deux hommes – l'un muni d'une épuisette, un filet de pêche autour du cou, l'autre affublé d'un étonnant costume – encadrent un petit chien déguisé posant, sous une ombrelle, en équilibre sur une bicyclette. Une représentation de l'absurde ou de la fête, qui prend parfois un tour déraisonnable, extravagant. On notera l'air malicieux du personnage de droite et les sourires de ceux qui assistent à la scène, à l'arrière-plan. Sa casquette vissée sur la tête, le personnage de gauche essaye quant à lui de garder son sérieux, le temps de la photo s'entend. Sans élément de contexte, que dire de cette image sinon qu'elle illustre un certain sens de la fête ?
Nos fonds iconographiques comprennent de nombreux clichés réalisés lors de cérémonies, banquets, foires, bals populaires, cavalcades et carnavals… qui nous offrent un témoignage unique de la façon de faire la fête, de célébrer et de commémorer les événements à Toulouse au fil du temps. Cette photographie extraite d'un reportage du photographe et homme de presse, Marius Bergé, montrant comment se déroulaient les festivités du 14 juillet dans les années 1920, n'en fait pas exception. Pendant l'entre-deux-guerres, la célébration de la Fête nationale donnait lieu à l'organisation de toute une série de manifestations : à la traditionnelle revue des troupes pouvaient ainsi succéder des Joutes Cettoises ou des régates sur la Garonne, des courses hippiques ou taurines, une fête de gymnastique, l'arrivée d'un critérium cycliste, un concours de bébés et voitures fleuries au Grand-Rond. Mais ce n'est pas tout.
L'image que nous vous présentons a été prise en marge du fameux concours de pêche initié alors sur les bords du Canal, chaque 14 juillet, par la Société des pêcheurs à la ligne de la Haute-Garonne. Concours qui était précédé d'un défilé costumé – et en musique – lors duquel les pescofis ou pêcheurs toulousains rivalisaient d'originalité. « Les pêcheurs à la ligne ont eu leur journée le 14 juillet » rapportait Le Cri de Toulouse du 28 juillet 1923. « Ils n'ont pas pris la Bastille… mais dans le canal de Brienne, une quantité notable de poissons. 800 lanciers avaient bravé une journée torride pour pincer un chevesne ou un barbillon, voire même un coup de soleil. »
Je vous amène aujourd'hui dans l'immédiat après-guerre, dans une photographie vivante, qui peut provoquer une sensation de vertiges en cascade.
Des lignes horizontales sur la gauche confrontées à une soudaine verticalité puis à un enchevêtrement de barreaux sur la droite, aucune rondeur, pas d'humain : la lecture est malaisée au premier abord. L'œil cherche un appui, une référence et tout à coup la surface granuleuse du sol boueux apparaît. Alors suivent les tubes, les bacs où l'on voit couler la boue, l'échafaudage, puis le point de vue : le photographe perché au sommet d'une plateforme qui repose sur une tour étroite et vide nous oblige à sonder le trou vertigineux. On imagine la machinerie, les exhalaisons soufrées, le vacarme des moteurs avec leurs moyeux d'acier graissé, les mécaniciens contrôlant, changeant les trépans, têtes aveugles perforant l'intimité de la terre à des profondeurs encore jamais atteintes.
Une première percée à 1900 mètres en 1939 sur la commune de Saint-Marcet, dans le Comminges, permit à la France de s'approvisionner en gaz naturel « local » jusqu'à ce que le gisement soit réputé épuisé, en 2009. Avant d'avoir des idées, nous avions un peu de pétrole.
Jean Dieuzaide réalise ses premiers reportages sur les hydrocarbures pyrénéens dès 1945-1946. Il documente le ravitaillement en gaz à Toulouse par wagons chargés de bonbonnes. Il se rend dans le Comminges où il photographie les chercheurs dans les laboratoires de géologie de Saint-Gaudens puis le site de forage, les installations et les ouvriers au travail.
Plus tard, il œuvre pour la Régie autonome des pétroles (RAP), se rend dans le Sahara algérien sur la base d'In Amenas, travaille pour la société nationale des pétroles d'Aquitaine (SNPA). Une partie non négligeable de ses photographies industrielles a été réalisée autour du pétrole et ses dérivés et en 1993 l'entreprise Elf achète la quasi-totalité des négatifs issus de ce travail*. Nous avons encore, aux Archives de Toulouse, tout ce qui concerne le client Heurtey, ainsi que les premiers reportages de 1945-1946, visibles en ligne.
*Vous pouvez venir sur place consulter le contenu de ce reportage de 1964 en Algérie, cédé par l'auteur au groupe pétrolier.
Début des années 1950, le tourisme se développe à grandes enjambées dans une France où la voiture est une botte de sept lieues, sur un réseau routier qui se modernise. Michelin (pneus, cartes jaunes, guides verts et chefs étoilés) fait des émules : les guides touristiques se répandent, s’attachant une suite de spécialistes du patrimoine dans laquelle Jean Dieuzaide s’insère.
On sait qu’il rencontre Benjamin Arthaud dès 1950 lors d’une réunion du groupe des XV à Paris (groupe dans lequel le photographe Lucien Lorelle le fait entrer), et qu’il débute, à partir de 1953, une grosse décennie de collaborations avec l’éditeur isérois, après avoir fait ses preuves dans La Gascogne. On sait aussi qu’en 5 ans il illustre 13 volumes de la collection « La France illustrée » chez Alpina, petits ouvrages faciles à sortir du sac pendant les vacances ou à utiliser pour faire visiter la région aux amis de passage. Après Alpina il entame une collaboration avec Dom Angelico Surchamp pour les éditions Zodiaque. Une nouvelle rencontre marque l’œil de Dieuzaide, celle de l’art roman, et plus largement du patrimoine religieux médiéval, qui fait écho à sa spiritualité. Après une participation en 1956, il signe la photographie de 6 volumes entre 1958 et 1963 et obtient en 1961 le prix Nadar pour Catalogne romane. Parallèlement il œuvre aussi pour l’éditeur toulousain Privat avec des publications sur l’histoire régionale entre 1955 et 1967.
Ce sont les Trente Glorieuses et il faut alimenter l’appétit de découverte et de voyages avec des publications étoffées ou faciles d’accès mais toujours alléchantes. L’illustration, et particulièrement la photographie, y tient une place de choix. Majesté d’un monument, authenticité de traditions, mise en valeur de richesses locales, le photographe doit traduire l’atmosphère qui donnera envie de venir sur place, il séduit le chaland. En cela, Jean Dieuzaide est un métatouriste. Il parcourt une grande partie du sud de la France et de l’Europe, mais pas que, cahier des charges en poche et valise pleine de documentation sur les destinations pour lesquelles une publication est programmée.
Il visite ainsi une vingtaine de régions et pays en un peu plus de 15 ans, participe à une trentaine de publications et engrange une matière photographique qui remplit plus de 60 albums, consultables sur rendez-vous aux Archives. C’est en partie par ces pérégrinations que Dieuzaide se forge une patte. Son regard s’aiguise, son réseau se développe, il se forge une place notable auprès des directeurs d’entreprises et institutions et répond à leurs très nombreuses commandes, dont nous parlerons lors d’un prochain billet.
Sale/salle/salé… Je ne sais si cela tient à la saison estivale – propice aux voyages en tous genres et tous azimuts – mais le sujet abordé ce mois-ci dans Arcanes ouvre, aux rédacteurs et « passeurs de mémoire » que nous sommes, un vaste champ des possibles. Que de directions s’offrent à nous ! Alors pourquoi ne pas les emprunter toutes ?
C’est au bord de l’eau, sur les quais de la Garonne, que je m’engage. Là, sur le port Saint-Pierre, le port de la Daurade et le port Viguerie, les lavandières sont au travail. Leurs étendoirs de linge
(sale)
immaculé ponctuent de blanc les représentations anciennes que nous avons du fleuve, nous éblouissant encore de leur clarté et nous procurant une sensation de fraîcheur. Un peu plus loin, c’est sur une île que nous arrivons – Le Ramier – où, dans les années 1925-1930, l’architecte Jean Montariol conçoit, à la demande de la municipalité socialiste, le parc municipal des Sports, véritable palais d'éducation physique et d'hygiène. Une étonnante série de plaques de verre, réalisées en juillet 1931 à l’occasion de l’inauguration de la piscine d’été, nous montre la salle des Fêtes ou salle Jean-Mermoz encore en travaux, comme vous ne l’avez jamais vue.
De la salle Jean-Mermoz à l’aérodrome de Montaudran, il n’y a qu’un pas… ou qu’une association d’idées. A bord d’un avion Latécoère, mettons le cap vers le Sud. Après avoir survolé le détroit de Gibraltar, fait escale à Casa la blanche, longeons les côtes africaines en direction de Dakar en passant par le mythique cap Juby. Sur cette ligne, Saint-Ex, Mermoz, Reine… affrontaient quotidiennement la brume, la chaleur et le vent de sable pour acheminer le courrier au péril de leurs vies. Sale temps pour les pilotes, pourrait-on croire ! Or, pour beaucoup, comme Emile Lécrivain, il n’y avait pourtant de plus beau trajet. « On y grille, on y est pris par les Maures, on y reste. Mais on ne peut s’en détacher. Il n’y a pas de plus belle ligne que Casa-Dakar. Quand le temps est clair, qu’on a la mer bleue d’un côté, le sable tout fauve de l’autre et le ciel au-dessus, que le moulin tourne rond, tout chante à l’intérieur1. »
Ce voyage au fil de l’eau, à travers les époques et nos fonds photographiques, ne serait pas complet sans un bain régénérant dans l’eau salée. Ici, au Cap Ferret, en 1908. Plouf !
1. Joseph Kessel, Vent de Sable (Gallimard, Paris, 1966).
En préambule à l’exposition Ce qui arrive (Fondation Cartier, Paris, 2002), imaginée par le philosophe et urbaniste Paul Virilio sur le thème de l’accident, le visiteur pouvait lire ces lignes éclairantes : "L’un des principaux phénomènes opposant la civilisation contemporaine à celles qui l’ont précédée est la vitesse. L’accident en découle. Il est une accélération qui affecte la vie, l’art… Les sociétés qui développent la vitesse développent l’accident." L'accident – défini comme "ce qui arrive" et qui produit toujours un effet de sidération et de surprise – fait partie intégrante de l’histoire contemporaine. Et les photographies en sont les premiers témoins.
La recherche par mot-clé « Accident » dans notre base de données dédiée aux images donne lieu à une foule de résultats illustrant la diversité de la thématique. Depuis les catastrophes naturelles comme les inondations, aux sinistres artificiels de type industriels ou techniques, tous les aspects ou presque de l’accident y sont archivés : des accidents d'avions, de trains ou de voitures – plus attendus – à celui, plus rare, d'un attelage désuet renversé sur « l’ânodrome » des Amidonniers... Et comment évoquer les accidents à Toulouse sans parler de la catastrophe de la Dalbade, fait marquant de l'histoire locale, largement documenté par les photographes Louis Albinet et Marius Bergé ?
Sur le cliché que nous vous proposons, c’est pour les passagers du tram de la ligne 16, reliant Capitole à Guilheméry, que les choses se sont gâtées. Samedi 3 mai 1941, il est presque 14h30 quand un tramway remonte l’avenue Camille Pujol. A l’arrêt situé à proximité du Caousou, un court-circuit se produit. Alors que le wattman descend pour constater l’accident, relate La Dépêche du 4 mai 1941, la motrice fait subitement marche arrière et, prenant de plus en plus de vitesse, sort de ses rails, rentre dans la rue Jean-Goujon, traverse le boulevard de la Gare pour finir… dans les eaux du Canal. Certains passagers vont même jusqu’à sauter de voiture lors de cette course folle. « Jusqu’à une heure avancée, une foule considérable stationnait sur les bords du Canal, témoigne le journaliste. En ville, ce tragique accident a provoqué une profonde émotion ». De la sidération, sans doute.
Une personnalité dont je n’ai pas retenu l’identité aurait déclaré que Dieu, dans sa grande clémence, a donné la soif aux humains pour qu’ils puissent profiter du raisin. Etrangement, dans ces moments, un grand verre d’eau me semble plus approprié et le raisin, je m’en empiffre sans modération lorsque la saison arrive (avec une préférence pour le muscat qui poussait sur la vigne grimpante dans le jardin de mes grands-parents). Je vous laisse tirer les conclusions que vous préférez quant au vin.
En revanche, je peux vous parler de ce que j’observe dans le fonds photographique de Jean Dieuzaide que j’ai la chance d’entretenir tous les jours comme une vigneronne cultive sa vigne. L’agriculture y tient une bonne place, notre photographe montrant une inclination pour le monde rural, ses paysages, ses habitats, ses productions, l’organisation et les gestes du travail de la terre par les animaux, les femmes et les hommes. Parmi ces sujets, la vigne et le raisin témoignent d’un intérêt persistant, mais aussi d’une commande constante de photographies viticoles.
À partir de 1951 l’activité de Yan, qui se présente comme photographe reporter, se diversifie. Il pratique la photographie d’illustration pour plusieurs maisons d’éditions, travaillant ainsi pour Arthaud, Alpina, Zodiaque, Braun, Privat, entre autres. Il s’agit, dans ces années, de relancer le tourisme et de valoriser les richesses régionales : patrimoine religieux, industriel, mobilier, bâti, immatériel, paysages. La France est un pays de vin, chaque région productrice souhaite mettre en avant son terroir et ses pratiques ancestrales. Les commandes que Dieuzaide honore comptent inévitablement des passages dans les vignobles, de préférence au moment des vendanges. Nous conservons ainsi des reportages en Armagnac, Gascogne, dans le Tarn, en Gironde (notamment au Château Lafite), dans le Minervois, à Banyuls, Moissac, en Haute-Garonne, Charentes Maritimes, Anjou et en Alsace.
La plupart de ces photographies sont issues de reportages ou de commandes spécifiques réalisés pour des éditeurs, mais sont regroupées dans l’album « Agriculture », consultable sur place et sur rendez-vous.
« Il est tout à fait d’un philosophe ce sentiment : s’étonner », déclare Socrate au début du Théétète, dialogue platonicien sur la science. « La philosophie n'a point d'autre origine ». Or l’étonnement ne saurait pourtant lui être réservé, loin s’en faut.
Ainsi est-il fréquent, dans les services d’archives figurées, d’entendre les uns et les autres s’étonner, s’émerveiller ou même s’émouvoir devant certaines images qu’ils voient défiler. Et l’interjection Oh ! de compter parmi les favorites des archivistes/iconographes.
Quelle n’est pas en effet notre surprise quand l’on retrouve, après maintes investigations, le contexte de prise de vue ou la localisation d’une série d’images d’abord énigmatiques, ou lorsque l’on voit ressurgir, au détour d’un cliché, un édifice, une place ou même tout un quartier aujourd’hui disparu, si non entièrement transformé. Parfois, c’est le sujet même qui nous interpelle par la rareté de sa représentation, son étrangeté ; parfois c’est son caractère désuet qui nous touche. Il arrive même que la beauté de certaines images vienne à nous couper le souffle. Le sentiment du sublime n’est pas loin. Comme cette photographie du pont Saint-Pierre, sur plaque de verre, prise en 1927 par le photographe toulousain, Louis Albinet, que je soumets à votre regard.
Si le nom de Jean Dieuzaide évoque inévitablement la photographie en noir et blanc, beaucoup ignorent que dès la fin des années 1940 il s’intéressait déjà à la couleur. Lorsqu’il conçut les plans de son nouvel atelier1, rue Erasme, en 1964, il prévit même un laboratoire spécialement dédié. Les processus de développement des négatifs, des diapositives et des papiers couleur sont très spécifiques, les tirages doivent être effectués dans le noir total, les chimies employées pour les développements sont différentes de celles utilisées pour le noir et blanc. En entrepreneur dynamique, toujours à la pointe de la technologie et à la tête d’un laboratoire renommé dans tout le sud de la France, Jean Dieuzaide s’est naturellement lancé dans l’aventure.
Diapositive ou négatif, les deux supports ont été utilisés pour des commandes de clients. En revanche de nombreux clichés à destination de la presse ou des éditeurs, illustrant des ouvrages sur Toulouse, sur les régions et les pays dans lesquels Jean Dieuzaide a été missionné, ont fait l’objet de variantes en diapositives.
Vous n’avez pas encore vu de numérisations de photographies en couleur issues du fonds Jean Dieuzaide sur notre base de données, c’est normal, nous œuvrons en priorité pour rendre visible le noir et blanc. Cependant vous avez pu croiser des indications de leur existence. En effet, le fonds est très organisé, avec ses propres codes : couleurs, abréviations, vocabulaire. Ainsi, sur les albums de contacts vous verrez parfois des petits carrés de couleur en bas à droite des images. Le vert indique que pour l’image en question il existe un exemplaire sur négatif couleur, et le rouge pour les diapositives. Parfois ce sera exactement la même vue, parfois légèrement différente.
Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet des duplications de prises de vues lors d’un prochain article, en attendant je vous invite à l’observatoire du pic du Midi pendant l’hiver 1952-1953, après la mise en service du premier téléphérique permettant au personnel d’y accéder plus facilement et tout au long de l’année. L’image illustrant cet article est une diapositive couleur, identifiée grâce à ce contact. Les diapositives, très sensibles aux altérations, ont généralement “viré”, c’est à dire que certaines couleurs ont complètement disparu, laissant des images presque monochromatiques, souvent magenta. Le reportage entier, et en noir et blanc, est consultable en ligne (pages 37 à 43).
Avant de nous quitter, et juste pour le plaisir, voici une photographie issue d’un reportage sur les festivités du 14 juillet 1959 à Toulouse, dont vous avez sans doute déjà vu un tirage en ville, sous les arcades de la place du Capitole.
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L’un des principes de base en archivistique est le « respect des fonds », selon lequel chaque document doit être maintenu ou replacé dans le fonds dont il provient. Un fonds est défini comme un ensemble de documents, de toute nature, constitué de façon organique par un producteur dans l'exercice de ses activités et en fonction de ses attributions. Un document d’archives ne revêt donc de sens et de valeur que par rapport à cet ensemble, à ce tout dont il procède.
Il en va de même pour les photographies d’archives. Isolées, prises séparément, celles-ci pour la plupart – au mieux – nous interpellent, attisent notre curiosité ou nous séduisent. Elles ne finissent par faire véritablement « sens » qu’une fois appréhendées dans leur ensemble. Ainsi réunies, mises « bout à bout », les images s’éclairent soudain les unes les autres. Re-contextualisées, elles passent du statut d’œuvres quasi muettes à celui de témoignages délivrant des informations précises, documentant un événement, l’histoire d’un lieu, d’un individu, d’une entreprise, etc.
Sur ce cliché : deux sacs postaux en provenance ou en direction de la France posés sur le sol, devant un avion. A son bord, un pilote supervisant la manutention du courrier assurée par deux hommes en tenue de mécano. Isolément, que nous dit cette image, sinon qu’il s’agit là d’un témoignage de l’Aéropostale ? C’est une fois replacée dans son fonds d’origine, mise « bout à bout » avec celles issues de la même série, que l’image va dévoiler ses secrets. On apprend alors qu’on est ici au début des années 1920, à Barcelone précisément, où « La Ligne » imaginée par Pierre-Georges Latécoère pour le transport postal, faisait alors escale.
Et l’on découvre que le jeune homme timide, dissimulé sous sa casquette, est Amédée Jayet (1899-1981) qui a connu dans l’aéronautique civile, un étonnant destin. Entré en 1922 aux Usines Latécoère de Toulouse-Montaudran comme simple mécanicien, il a gravi rapidement les échelons pour finir directeur-adjoint du Centre de Révision de Toulouse d’Air-France. Proche de Mermoz, d’ailleurs rencontré à l’Escale de Barcelone, à la même période que notre photo, c’est à lui que ce dernier aurait confié avant sa disparition : « Vivement que je reparte en courrier sur l'Atlantique ! Au moins, là-haut, on vit ! »… Si la consultation de ce fonds (5Fi) récemment traité vous intéresse, les images numérisées sont accessibles ici.
Novembre 1947, Nérac (Lot-et-Garonne), des robinets de la fontaine de Fleurette, se met à couler de l’essence. En deux temps trois mouvements, l’affaire occupe la presse locale et nationale qui voient deux avis s’affronter : les uns assurent qu’un gisement se réveille, arguant que le sous-sol recèle un filon pétrolifère, les autres restent sceptiques et s’en remettent aux experts.
En attendant le verdict, Dieuzaide, méthodique, revient donc de Navarre avec des clichés qu’il classe soigneusement en album. D’abord des vues générales de la bourgade, sa rivière la Baïse, son château de la maison d’Albret, puis la fameuse fontaine à conter des histoires. Mise en situation de la population devant les robinets, on montre que le liquide s’enflamme, on tente même une mise en scène « à la façon d’un laboratoire », où, installé à un établi, l’on fait manipuler une bouteille avec une pince… tout en tenant une cigarette allumée à la main. Chaque élément décrit dans les articles parus est illustré, l’ensemble est localisé, daté et organisé*, un personnage est identifié, le reportage est paré pour la vente. Nous avons découvert que France Soir a publié une des photographies dans un article du 6 novembre 1947.
Pendant ce temps, les analyses se poursuivent et les conclusions tranchent le débat : le liquide recueilli est bien raffiné. La voix de la raison corrobore une enquête de police qui atteste de la disparition, possiblement dans le secteur, d’un camion de carburant dérobé en 1940. La piste de l’enfouissement puis de la détérioration des cuves sous terre semble la plus sérieuse, selon plusieurs papiers en date du 7 novembre 1947.
De là à savoir qui était le plus siphonné du camion dérobé ou de certains spécimens de la population, il y aurait un pas que nous ne franchirons pas. En revanche, lorsque nous franchirons une frontière, ce sera sans doute à pied pour aller constater de nos propres yeux si réellement du vin rouge coule de la fontaine d’Irache. Siphonner ou conduire, on a toujours dit qu’il fallait choisir.
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Pour aujourd’hui, vos lunettes et jumelles ne suffiront pas, je vous conseille de vous équiper d’une longue-vue, ou même d’un télescope, et vous invite à plonger la tête dans les étoiles, et dans une brève histoire de l’astronomie. De tout temps, et même à Toulouse, le ciel et ses mystères ont toujours fasciné les foules. Après des prémices au cours du 17e siècle, inspirées des mouvances et avancées scientifiques de l’époque, c’est au 18e siècle, où Toulouse, acquiert un début de renommée dans ce domaine. Le tout premier observatoire s’installe dans une tour des remparts de la ville, mais rapidement jugé peu adapté, plusieurs scientifiques de l’élite toulousaine décident d’aménager leur propre espace dédié à l’étude des astres. Parmi eux, la personnalité de François Garipuy se démarque tout particulièrement, il installe son observatoire, au rez-de-chaussée, puis au tout dernier étage de sa demeure, située au 16 rue des fleurs, en plein cœur du quartier Saint-Étienne et à deux pas du Palais de Justice.
Presque un siècle d’observations et de découvertes a passé, avant la conception de l'actuel Observatoire de Jolimont. A partir de 1839, il fallait gravir la longue rue du 10 avril, pour atteindre un des points culminants de la ville, la butte de Calvinet, depuis lequel on construisit ce tout nouveau site dédié à l’astronomie. En ces lieux, c’est toute une histoire des sciences, mais aussi d’hommes et de femmes, pour certains devenus célèbres, tel que Benjamin Baillaud, d’autres anonymes, mais œuvrant avec passion en tant que techniciens, calculatrices, ou auxiliaires, à l’étude des phénomènes célestes. C’est depuis ces coupoles, à l’époque isolées de toutes nuisances lumineuses, qu’ils usaient d’instruments pointus, ou bien mystérieux (tout dépend du point de vue), afin de scruter de plus en plus près, ce qui nous paraît encore et toujours si inatteignable.
De nos jours, les études astrales ne sont plus réalisées au sein de cet établissement. Il nous faut maintenant côtoyer des sommets, certes pas au point d’atteindre les étoiles, mais c’est bien depuis le Pic du Midi, à 2 877 m d’altitude, qu’une partie des travaux de l’observatoire astronomique de Midi-Pyrénées est menée. Sur cette photographie, issue du fonds du préhistorien Émile Cartailhac, il nous donne à voir le site à l’aube de ses premières années. On distingue à l’image, les bâtiments nouvellement conçus, depuis 1880, portant tous deux le nom des fondateurs : Charles du Bois de Nansouty et Célestin-Xavier Vaussenat. On remarque aussi l’absence de la coupole Baillaud, construite quelques années après, au tout début du XXe siècle, en 1908. Apparaît aussi sur ce cliché, un photographe, sur le point d’immortaliser ce moment historique, ou bien de capter l’admirable point de vue dont il est aussi spectateur.
En février 2021, les archives ont fait l’acquisition d’un ensemble d’objets ayant appartenu à un ancien gardien de la prison Saint-Michel : une casquette brodée d’une étoile, une médaille et un diplôme délivré par l’administration pénitentiaire. Sans oublier la pièce maîtresse du lot : un étonnant portrait en buste dudit homme. Sur cette peinture, décorée d’un cadre blanc et doré, le surveillant est vêtu de son uniforme et coiffé de son couvre-chef réglementaire en feutre.
Mais l’aspect le plus intriguant de cette œuvre s’avère être la signature peinte en noir en bas à gauche, indiquant le nom de l’artiste et la date : Arthur Finemann, 1952. La légende familiale raconte que le portrait aurait été réalisé dans l’enceinte de la prison et par un des prisonniers. Après moult recherches, le verdict est tombé (sorti du chapeau), Arthur Finemann, était bel et bien un ancien détenu de la maison d’arrêt de Saint-Michel.
En juin 1951, convoqué par le tribunal militaire de Toulouse, il est condamné pour des crimes de guerre perpétrés lors de la Seconde Guerre mondiale. Ancien membre de la Gestapo à Rodez, il est jugé responsable du massacre de Sainte-Radegonde d’août 1944. Appelé le « Grand Luc », il hérite aussi du sinistre surnom de « terreur de l’Aveyron ». Après trois années d’emprisonnement à Toulouse, il quitte la France et finit par rejoindre son pays natal, l’Allemagne, pour y poursuivre son activité de peintre et de marchand d’art.
Il est vrai que le portrait lui-même présentait certaines caractéristiques, pour ne pas dire un air de famille - notamment en termes de pilosité - qui auraient pu nous donner des indications sur la personnalité de son auteur.
- « Rhaaa… mais c'est plus du grain là, c’est des patates ! »
Parmi les photographes qui ont travaillé en argentique, celles et ceux qui ont entendu ou prononcé cette phrase sont légion. On fait alors référence à l'aspect granuleux des films qui s'observe sur les émulsions très sensibles à la lumière, comme les 3200iso, ou, bien sûr, les pellicules de mauvaise qualité ou mal traitées. Ce qu'on ne sait pas toujours, même lorsqu'on est né au temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, c'est que la pomme de terre a réellement été utilisée en photographie.
En 1907, Louis Lumière met au point un nouveau procédé qui permet de restituer les couleurs sur une plaque de verre : l’autochrome. À la couche de gélatino-bromure d'argent désormais traditionnelle, il adjoint une couche de fécule de pomme de terre dont les grains ont été teintés en rouge, vert et bleu. Oui, je sais "that rings a bell", ou "ça dit quelque chose", comme on dit par chez nous. En effet, il s’agit du principe de restitution des couleurs par synthèse additive, dont les écrans de télévision cathodiques (que les moins de 20 ans, etc.), par exemple, utilisent le principe. C’est-à-dire que ce sont de petits points lumineux, alignés de manière régulière, qui reçoivent une quantité de lumière différente et la renvoient sur la rétine, le cerveau se chargeant d’analyser le mélange et de traduire l’information. L’espace colorimétrique restitué est donc très dépendant des teintes utilisées pour colorer la fécule, ce qui explique les couleurs surprenantes que l’on observe sur ces autochromes, difficiles à numériser.
La photographie qui illustre cet article est tirée d’une boite de 4 plaques montrant l’atelier de photographie de L. Ader, en 1907 justement. Outre les instruments et objets mis en scène et qui feront l’objet d’une autre publication, ce bouquet de fleurs est parfait pour montrer un grossissement de cette couche de poussière organique (ci-dessous).
Le percepteur d’impôts Charles Chevillot (1891-1980) a travaillé au Sénégal et au Mali ; il fut affecté à Aspet à son retour en France, puis dans la Sarthe, avant de revenir à Toulouse pour sa retraite. Il a pratiqué la photographie en amateur tout au long de sa vie. Son fonds compte près de 900 photographies, dont 160 plaques stéréoscopiques autochromes, réalisées entre les années 1910 et les années 1930, en Afrique, dans les Pyrénées et à Toulouse. Elles offrent une vision colorée rare de scènes et paysages que les moins de 90 ans…
Pour résumer, les premiers enregistrements en couleur de la réalité ont été rendus possibles avec de la poussière de pomme de terre. C'est patatique !
Ce n’est pas ce que vous croyez. Il est vrai qu’un virage constitue un changement d’orientation, que le terme peut être pris à la lettre ou à la légère, même si un virage est souvent lourd de conséquences. Point de brutalité ici, restons délicats, comme les virages photographiques.
Le procédé consiste à « combiner le dépôt métallique (argentique donc) avec des métaux nobles comme l’or, le platine, ou des éléments comme le plomb, le sélénium, le souffre, etc. »1. Utilisé dès le 19e siècle pour améliorer la stabilité des tirages, cela permet également de donner une teinte (du jaune au brun, du bleu au rouge en passant par le pourpre) à des photographies monochromes. Si l’on peut pratiquer le virage sur la totalité du tirage il est également possible de se restreindre à certaines parties de l’image, mais cette technique n’est pas une colorisation pigmentaire et n’est pas considérée comme une retouche.
Nous conservons peu de tirages virés aux Archives municipales. Le fonds Jean Dieuzaide en compte une trente-cinquaine, dont 8 sont actuellement exposés dans la rétrospective Jean Dieuzaide – 60 ans de photographie au réfectoire du Couvent des Jacobins. Parmi les autres, cette photographie issue de la très belle série Les orgues, initiée par une commande de l’État à l’occasion de l’Année du patrimoine en 1980.
1 Bertrand Lavedrine, (re)Connaître et conserver les photographies anciennes, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, 2007, p. 146.