Arcanes, la lettre
Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archives ou de ressources en ligne. Ainsi, des thèmes aussi variés que la mode, la chanson, le cinéma, le feu sont abordés...
.
Nous sommes en 1952. L’Association française des éclairagistes1 organise, comme régulièrement depuis 1937, les journées nationales de la lumière. Cette année un concours photographique est lancé, qui incite photographes professionnels et amateurs à se saisir de la nuit à l’occasion de la Semaine de la lumière. L’idée est de collecter des images mettant en exergue le soin apporté par la Ville à l’éclairage de l’espace public et des édifices patrimoniaux, mais aussi celui des commerçants à leurs vitrines. Les pratiques changent, nous sommes dans une période d’expansion économique où l’on ne se préoccupe pas de l’accès aux ressources énergétiques et où l’attractivité se joue tant sur la sécurité accordée aux habitants aux heures sombres qu’à l’esthétique : être bien dans sa ville, c’est aussi la trouver belle.
Le fonds du concours photographique “Lumières sur la ville” compte près de cinq cents tirages dont plus de soixante-dix sont de Jean Dieuzaide. Certains ont été réalisés pour l’occasion, d’autres pour les besoins de clients.
Si les images de nuit sont courantes aujourd’hui, celles du 20e siècle nécessitaient une maîtrise technique qui n’était pas à portée de téléphone. Il fallait s’équiper d’un trépied, d’une cellule pour mesurer la lumière et régler l’appareil, de patience pour faire la mise au point et de son expérience pour évaluer le type de pellicules à embarquer. Mais le résultat était souvent si inattendu qu’il avait quelque chose de magique.
Ce fonds nous embarque parfois dans une atmosphère de polar, rues désertes aux pavés luisants. On pourrait voir Bogart surgir d’une voiture à traction, ouverture des portes vers l’arrière et marche-pied, vêtu d’un imper, borsalino et cibiche au bec, à Toulouse-sur-Chicago.
1. L’association existe toujours, sous le nom d’Association française de l’éclairage.
4 000, c'est à peu près le total des procès-verbaux des rondes de nuit effectuées par le guet soigneusement couchés dans de fort volumes de la série justice et police entre le 16 juin 1539 et le 4 septembre 1649. Bien entendu nous ne nous sommes pas amusés à en faire le compte exact.
À chacune de ces sorties, l'on a renseigné le nom des soldats du guet présents (voire de capitouls qui n'hésitent pas à payer de sa personne), l'heure de départ de l'hôtel de ville, le parcours suivi ce soir-là (il change tous les jours), les lieux où l'on fit « escoute »1 et puis, bien évidemment, les faits notables s'il y a lieu : courses poursuites, arrestations, découvertes de corps plus ou moins inertes (il y a ceux ivres-morts et ceux bien morts), « ressercs »2, descentes dans des cabarets ou des maisons particulières, jusqu'à quelquefois la narration – penaude – d'une retraite précipitée du guet sous une grêle de pierres et son retour sans tambour ni trompette au corps de garde de l'hôtel de ville.
Les registres de rondes du guet, soigneusement tenu par des notaires de permanence, recèlent des richesses rarement exploitées par les chercheurs3 et leur récente numérisation intégrale devrait permettre à tous de s'en emparer et de se plonger dans un siècle de rondes endiablées.
Alors, n'hésitez plus, entrez dans la ronde de nuit.
_________________________________________
1. La troupe s'arrête, se fond dans la pénombre, retient son souffle, écoute et attend, une sorte de guet-apens mais du côté de la loi et de l'ordre.
2. Perquisitions.
3. Par exemple, ils ont été utilisés comme source complémentaire à l'appui d'une recherche sur le ressenti climatique – en effet, les soirs de grêle ou de grand'pluie sont évidemment indiqués pour justifier que la troupe reste sagement à l'abri des colères du vent.
.
Si la lumière est indispensable à la vie, elle est en revanche problématique pour la bonne conservation de nos archives.
En effet ses rayonnements UV et Infra-rouge, dégradent les matériaux organiques, comme le papier, le cuir ou le parchemin. Pour transmettre ces documents aux générations futures en bon état, il faut donc les maintenir dans l’obscurité la plus totale.
Mais parfois, il est indispensable que nos archives soient exposées au public. C’est le cas de plusieurs de nos documents en ce moment : Un feuillet enluminé des annales manuscrites de Toulouse (XVe siècle) est présenté actuellement au Musée de Cluny à Paris pour l’exposition « Renouveau des arts dans la France de Charles VII » et Quatre documents en parchemin du XIIIe siècle sont exposés au Musée Saint-Raymond à Toulouse pour l’exposition « Cathares ».
Lors de ces évènements, l’éclairage des documents est indispensable pour une bonne visibilité de ces derniers mais celui-ci doit être maîtrisé. Le taux de lux dépendra de la sensibilité du document. Ainsi, une archive composée de matériaux extrêmement sensibles à la lumière sera éclairée très faiblement (50 lux). Elle sera ensuite laissée « au repos » plusieurs années dans l’obscurité afin de maîtriser l’altération par la lumière sur le long terme. Un calcul permet de déterminer ce temps d’attente entre deux expositions avec précision pour, ainsi, permettre un équilibre entre obscurité et lumière.
.
.