L'image du moi(s)
Chaque mois, petit billet d'humeur et d'humour à partir d'images conservées aux Archives. Forcément décalé !
A défaut de savoir où et avec qui nous allons réveillonner cette année, pourquoi ne pas réveiller votre regard chez Jean Dieuzaide. Avec lui, vous vous lèverez matin pour suivre les chasseurs du col d’Osquich au Pays Basque, vous irez couper du bois avec les carmélites bûcheronnes de Muret, vous affronterez les lutteurs turcs d’Istanbul, vous prendrez votre temps avec un pêcheur contemplatif de Madère, vous mangerez sous le regard des vaches barrosã à Braga, au Portugal, et vous survolerez les vignes du Valais suisse sous la neige.
Mais votre aventure ne se limitera pas à l’espace : vous déambulerez aussi dans le temps, traversant les Trente Glorieuses, de la Libération à la fin des années 1970, et les bouleversements qui ont transformé la société française. Les innovations scientifiques, l’industrialisation et l’urbanisation y côtoyant la vie des campagnes, les marchés de plein vent, les fêtes et cérémonies de la vie quotidienne.
Mais c’est surtout à un voyage vers l’au-delà que nous invite Jean Dieuzaide. Au-delà des événements, au-delà des apparences, pour saisir ce que personne n’a vu, pour révéler la nature profonde de ses sujets, qu’ils soient humains, animaux, végétaux ou minéraux. Quête quasi-spirituelle qui fait de lui un artiste majeur. Si vous le souhaitez, vous pouvez aller passer quelques heures avec cet homme et son œuvre au couvent des Jacobins de Toulouse, jusqu’au 6 mars 2022. Votre regard en sera changé.
S’il fallait y trouver du positif, la pandémie nous aura au moins sensibilisés aux vicissitudes du port quotidien d’un masque. Nous regardons aujourd’hui d’un nouvel œil, teinté d’admiration, ces professionnels de la santé, de l’agroalimentaire, de l’industrie et bien d’autres encore, qui depuis des lustres doivent ainsi s’harnacher. Ils ont connu, bien avant nous, la buée sur les lunettes, les démangeaisons nasales, la sensation d’étouffement, les réactions allergiques cutanées, et j’en oublie.
Il existe cependant des « professions » de niche, dont on a peu parlé, et qui connaissent les inconvénients de la dissimulation faciale. Je veux parler des génies du mal. Prenez par exemple Michael Myers, le « héros » de Halloween : la nuit des masques obligé de cacher son visage derrière une effigie du capitaine Kirk en caoutchouc. Imaginez les problèmes de transpiration. Et Jason, de Vendredi 13, contraint de porter un sac de patates troué puis un masque de hockey, alors qu’il n'est même pas canadien. Je ne parle pas de Leatherface, tout droit sorti de Massacre à la tronçonneuse, arborant un faciès artificiel composé de la peau du visage de ses victimes et des risques de septicémie que cela peu engendrer.
Ces trois figures font-elles partie des déguisements plébiscités par les enfants pour Halloween cette année ? Ce sont des classiques, mais ils semblent concurrencés par des nouveaux arrivants. Un costume de Francis Lalanne a fait, paraît-il son apparition, avec faux cheveux longs et cuissardes non moins longues ; gageons qu’il va en effrayer plus d’un. Car finalement, le déguisement le plus terrifiant de notre époque ne serait-il pas celui d’un anti-vacs non-masqué ? Pas sûr qu’il séduise beaucoup nos bambins…
Il est amusant de constater combien notre perception des choses évolue avec le temps. Je me suis longtemps figuré l'arrivée du mois d'octobre comme l'entrée dans un tunnel dont la sortie paraissait incertaine. Héritage probable des années de scolarité où, après un mois de septembre studieux, les vacances de la Toussaint semblaient encore tellement lointaines. Peut-être aussi à cause de la météo d'automne qui nous empêchait de passer des journées entières dehors, à explorer les coins et recoins des quartiers environnants. Le passage à l'heure d'hiver venait achever ce sombre tableau.
Je ne vais pas vous dire que j'attends avec impatience cette période de l'année, mais il faut reconnaître qu'en vieillissant, j'y ai pris goût. Un peu comme ce gratin d'épinards que vous détestiez enfant et que vous avez redécouvert avec plaisir à l'occasion d'un repas et dont vous demandez la recette à vos parents incrédules. Le passage du temps permet ainsi de réévaluer toutes sortes de choses.
Le film A la poursuite d'Octobre Rouge réalisé par John McTiernan en 1990 et adapté du roman de Tom Clancy, raconte l'odyssée d'un sous-marin nucléaire soviétique dont le commandant a décidé de passer à l'Ouest. L'auteur s'est inspiré d'un fait réel qui a eu lieu en novembre 1975 dans le golfe de Riga. Mais sa vision était quelque peu biaisée par le climat de la Guerre Froide. Car, s'il y a bien eu mutinerie à bord d'une frégate russe, l'objectif du meneur était, à l'instar des marins du cuirassé Potemkine, d'initier une nouvelle révolution bolchevique. C'est ce qu'ont permis d'établir les archives ouvertes à la suite de la chute de l'Union soviétique, quelques mois après la sortie du film...
Vous connaissez ces zigues qui ne savent parler que d’eux-mêmes ? Ils sont épuisants. Vous pouvez aborder n’importe quel sujet de conversation : immanquablement, ils trouveront à tourner autour de leur nombril. Il y a un accident catastrophique quelque part ? Ça leur rappelle leur chute à vélo de la semaine dernière. Il y a une pandémie mondiale ? Ils se souviennent du rhume carabiné qui les avait cloué au lit pendant un jour. Il y a des élections présidentielles à couteaux tirés ? Ça leur évoque la campagne de délégués de classe en 5e et les coups tordus de Florence leur concurrente.
C’est comme ce copain de fac qui, à force d’abuser de substances psychotropes, avait fini par croire qu’il était le centre d’attention de toute l’université. Mais, loin de le flatter, cela l’énervait au plus haut point. Chaque parole, chaque regard, chaque attitude étaient interprétés suivant le même délire paranoïaque. J’ai le souvenir d’une séance où, se sentant visé par une remarque humoristique du professeur sur le roi perse Darius Ier, il avait quitté la classe avec éclat en jetant, grand prince, quelques pièces méprisantes aux pieds de l’enseignant.
Vous devez penser que je me prends les pieds dans le tapis de l’ego-trip en racontant mes souvenirs d’étudiant. Mais n’est-ce pas la chose à faire pour tenir une rubrique dont l’égocentrisme est le motif ? Néanmoins, l’exception confirmant la règle, je voudrais célébrer en ce mois le plus grand cowboy de l’histoire du cinéma, j’ai nommé Clint Walker. Né le 30 mai 1927 et décédé le 21 mai 2018, il mesurait 1,98 m.
Enfant, j’assommais mes parents de questions et dès fin mars je faisais une fixette sur Pâques. J’avais essayé de reconstituer une trame directrice en réunissant les pièces éparses du puzzle pascal. Il y avait d’abord l’histoire de Jésus : le dernier repas avec les douze apôtres, la mort sur la croix entre les deux larrons, et, trois jours plus tard, le tombeau vide, la Résurrection. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne s’agissait pas d’une histoire banale, du style qui pouvait arriver à un copain de classe. Mais admettons.
Admettons qu'à plusieurs milliers de kilomètres de là, une bande de lièvres ait eu vent de l'affaire. Ne me demandez pas comment. Ils se disent donc que pour marquer le coup, ils vont dissimuler des œufs dans la campagne. Pourquoi des œufs ? Mais ça dénote un vrai esprit de générosité chez ces animaux. Et d'ailleurs, dans le même coin, une escadrille de cloches volantes (????) un peu désœuvrée s'inspire des prodigues lagomorphes et dissémine les mêmes petits cadeaux ovoïdes dans tout le pays. Au minimum, cela soulève des interrogations, et pas que pour un garçon de huit ans.
Finalement arrivait le jour de la délivrance où, trop occupé à me goinfrer de chocolat, j’arrêtais mon enquête. Ce jour-là, j’atteignais une sorte de plénitude, surtout physique, qui finissait souvent en crise de foie. C’était aussi le cas de nombre des convives du repas pascal. Plus les minutes passaient, plus les verres se remplissaient et plus le volume sonore augmentait. Les agapes étaient ponctuées par une déclamation répétée à l'envi par un de mes oncles qui mangeait un curé tout cru le matin au petit déjeuner : « Et il ressuscita le troisième jour ! ». Et on se levait difficilement de table vers dix-sept heures. Certains mettaient plus de trois jours à s’en remettre.
Il y a deux décennies environ, le professeur Theodor Pfannkuchen provoquait une déflagration dans le petit monde de la galette de sarrasin. Après une rocambolesque recherche, il avait fini par découvrir un enregistrement, réputé perdu, réalisé par le médium Edouard Crespi à la fin du 19e siècle. Ainsi, sur un cylindre de cire, soigneusement rangé au fond d’une sacoche en cuir, avait été gravée, par le truchement d’un gramophone, une déclamation du spirite prononcée lors d’une séance de transe.
Alors que les exégètes les plus versés dans les sciences du surnaturel s’interrogeaient sur la signification de ces étranges imprécations, le digne professeur d’Outre-Rhin surprit son monde en affirmant qu’il n’était ici question que de crêpes. L’interprétation qu’il en donna, faisant appel tant à la linguistique la plus fine qu’à l’ésotérisme le plus échevelé, à l’astronomie qu’à l’astrologie, ne convainquit pas ses pairs. Et, pour tout dire, personne n’y comprit rien. On ne retint de ces élucubrations qu’une sentence qui amusa les uns et désespéra les autres : « La lune est plate comme une crêpe ».
Cependant, quelques mois plus tard, Herr Professor décédait dans des circonstances mystérieuses. Alors qu’il prenait son petit déjeuner, un morceau de pancake se coinça dans sa gorge, provoquant l’étouffement du pauvre savant. Il n’en fallut pas plus à certains pour y voir la main du complexe agroalimentaire farino-lacté.
Qu’avait donc découvert le chercheur allemand qui puisse autant déranger ? Difficile à dire, car toutes ses recherches ont disparu avec lui ; comme s’il n’avait jamais existé…
Est-il vraiment envisageable d’entrer dans cette nouvelle année d’un pas décidé ? Pour ma part, je suis un peu hésitant. Et ce n’est pas seulement à cause du réveillon du premier de l’an que j’ai du coton dans les jambes. On a beau se dire que les jours à venir seront forcément meilleurs, le doute persiste. Car si le mieux est souvent possible, « le pire est toujours certain ». Merci Murphy.
Donc, avant d’arpenter un nouveau chemin, c’est le moment rituel de faire le point sur le parcours déjà accompli. Force est de constater qu’il n’est pas bien long pour les 365 derniers jours. Merci le confinement. Mais comme disait ma grand-mère « à chaque chose malheur est bon ». Nous avons au moins appris à revenir aux choses essentielles : un canapé, une télévision…
Finalement pour commencer en douceur, ne devrions-nous pas suivre les préceptes d’un célèbre poète toulousain de la fin du 20e siècle ? « Je mets un pied devant l’autre. Sans penser à demain. Je mets un pied devant l’autre. Sans regarder plus loin ». D’aucuns diront que c’est le meilleur moyen de se prendre une gamelle. Ce n’est pas faux. Mais c’est aussi celui qui vous entraîne dans une jolie promenade où il fait bon lambiner.