ARCANES, la lettre

Zoom sur


Chaque mois, les Archives présentent dans la rubrique "zoom sur" un document issu de ses fonds, nouvellement acquis ou bien un document exceptionnel. Retrouvez ici une petite compilation de tous ces articles.

ZOOM SUR


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Toulouse Football Club / Cercle Athlétique de Paris, 1953. André Cros - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi6371.

Jeu de l’oie


mai 2024

Des oies et des jeux ! Non, nous ne sommes pas dans un cirque romain, mais bien dans l’enceinte du Stadium où, en ce 24 mai 1953, le Toulouse Football Club rencontre le Cercle Athlétique de Paris. Sur le terrain, se tiennent côte à côte les joueurs du club toulousain devant leur nouvelle mascotte, une oie baptisée « Jeanne-Marie ». Le palmipède leur aura porté chance puisque, à l’issue de cette saison, le club toulousain est sacré champion de France de deuxième division.

Réalisée par André Cros, cette image révèle toute la malice du photographe. Captant l’air amusé des joueurs observant l’animal, puis nous le donnant à voir, il créé un ping-pong visuel efficace. « Les observateurs/scrutateurs observés » pourrait-on lire en légende du cliché. 

Pour la petite histoire, l’oie devient l’emblème du TFC en avril 1953, suite au déplacement du club à Strasbourg, lors d’un match décisif de la division 2. Souhaitant offrir un cadeau à leurs homologues alsaciens, les dirigeants toulousains leur apportent une oie… vivante ! Hélas, un penalty sifflé en faveur du TFC – qui remporte la rencontre 2-1 – provoque la colère du président strasbourgeois. Hors de question qu’il garde l’animal ! Jeanne-Marie est ramenée à Toulouse, fêtée avec les joueurs à leur arrivée, devenant ainsi la mascotte du club avant de finir empaillée.

M. Escudier gardien de musée gagnant de la Loterie Nationale (1952). André Cros - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi4923.

Gains


mai 2021
Le bonheur ne tiendrait qu’à un fil et pas à l’argent. Il peut aussi, semble-t-il, tenir à une boule. Que la vie nous secoue comme une lessiveuse, qu’elle nous ratatine comme un rouleau compresseur, qu’elle passe comme un boulet de canon, il arrive aussi qu’elle nous emporte sans prévenir dans un tourbillon grisant. Et la métaphore est encore circulaire, voire sphérique.
C’est fou comme une petite balle peut influer sur la perception de la vie. Une petite balle et un numéro. Signe arbitraire dessiné sur une surface. Quel vertige d’imaginer que, sur la colossale masse de la Terre, en 1952, dans la tête d’épingle qu’est Toulouse, un homme, dont la fonction est de veiller à la sécurité et à l’intégrité d’œuvres produites par d’autres hommes dans un passé plus ou moins lointain, a soudain changé de point de vue sur sa vie. L’espace d’un souffle son cerveau a reçu une stimulation qui a propulsé l’ensemble de ses tracas dans les profondeurs de son inconscient tout en faisant sauter les verrous de l’impossible que sa condition de veilleur d’œuvres lui imposait. Oui aux nouveaux costumes, oui aux mets raffinés, aux vins étourdissants et veloutés, oui à la voiture rutilante, oui à la maison confortable, oui aux voyages lointains. Et, oui à l’humain ?
Tant que la boule hésite, le rêve est en suspens pour l’éternité. Dès qu’elle tombe, elle frappe sa victime en pleine évasion et lui colle ses chimères sur le dos. Alors, insidieusement, celles-ci remplacent les songes par des châteaux et le gagnant, qui  pensait posséder la fortune au creux de sa main, y perd son innocence avec ses illusions.
Chantier avenue Marcel-Langer. Louis Albinet – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 1Fi10195.

Le grand absent


avril 2021

Qu’il s’agisse du cachet de la poste sur une carte postale, de celui d’un photographe, d’un organe de presse ou d’une administration au dos d’une photographie, le tampon est ce qui peut permettre de dater l’image, d’en révéler l’histoire, parfois la raison d’être mais surtout la provenance. Simple tampon au verso ou timbre sec apposé à même le cliché (cf. notre illustration), il reste un outil de choix qui nous renseigne sur l’auteur et les droits d’utilisation de l’image. Plus souvent qu’on ne croit, le tampon reste pourtant le grand absent des photographies que nous traitons, nous privant d’informations essentielles et transformant celles-ci en « images muettes », selon le mot de Semprun.

Comment savoir alors quel regard se cache derrière ces photographies ? Il est ainsi assez fréquent – ce qui rend notre métier encore plus exaltant – que nous menions un véritable travail d’enquête pour remonter, d’indices en indices, jusqu’à leur auteur. Des investigations parfois longues, minutieuses, pouvant aboutir à des résultats que l’on n’espérait pas !

Ainsi d’une série de 1300 plaques de verre documentant la vie toulousaine dans les années 1900-1920, mais aussi des opérations militaires menées en Afrique du Nord, notamment au Maroc, avant l’établissement du protectorat français. Des documents conservés dans nos fonds depuis plusieurs années et dont l’auteur demeurait une énigme. Aidés d’un petit carnet de notes – souvent sibyllin – attribué au photographe qui n’y livrait jamais son identité, d’une occurrence d’un nom de famille qui s’est avéré être celui de la femme qu’il avait épousée, ce n’est pas sans émotion que nous avons réussi, en épluchant les actes d’état civil, à retrouver notre homme. Ces photographies avaient maintenant un auteur dont nous connaissions désormais, grâce à l’acte de naissance et au matricule militaire de ce dernier, les grandes dates de la vie. Et quelle ne fut pas notre surprise de tomber un jour par hasard, en salle de lecture, sur l’arrière-petit-fils de ce dernier auquel nous avons eu la joie de faire découvrir ces clichés !

Fin 19e siècle. Portrait en pied d'un bébé, il porte une robe blanche et est assis dans un nid. Au dos : "Henry Delgay. Toulouse. 42, allées Lafayette". Henri Delgay – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 1Fi2151.

Choupinette


mars 2021

Un enfant dans un nid : pourquoi pas dans un chou ou une rose, tant qu’on y est ! Celui-ci est en robe de baptême ; ne lui manque qu’un ruban sur le crâne, et nous voilà avec un bel œuf pascal. Songez-y, parents, cette pauvre diablesse n’a rien demandé, et la voici pour la postérité, posant, le regard incrédule, mains sur les hanches et doigts de pieds en éventail. Ce bébé-là est habillé, mais à cet âge ils sont souvent représentés nus, ce qui est le cas depuis au moins le Moyen Âge si vous regardez bien. Il faut donc concevoir la nudité comme une incarnation* de la pureté, de la naïveté ou de innocence. Soit. Mais les choux, nids et autres rosiers, de quoi sont-ils l’expression ?

*Cet enfant n’est pas nu et je lui ai attribué le terme d’incarnation. Le coussin dans lequel il est calé forme deux petites ailes derrière lui, qui font de lui un ange. C’est une référence à l’Annonciation, qui, dès l’iconographie médiévale, marque l’incarnation divine.

Les Foires de Mai aux allées Jean-Jaurès, anciennement Lafayette (1937). Marius Bergé – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 85Fi1318.

Faites vos jeux !


février 2021

Et si l’on poussait nos sens jusqu’à l’étourdissement, jusqu’au vertige ? Et si l’on s’évadait, le temps d’un billet, sur les allées Jean-Jaurès quand elles s’appelaient presque encore « Lafayette » et que s’y déroulaient, chaque année, les populaires « Foires de Mai »… ?

C’est à une immersion totale et joyeuse dans une fête foraine bruyante, odorante, colorée, que je vous invite. Vous aussi êtes en manque de sensations fortes, de sourires et de promiscuité ?  Saisissez cette occasion de vous mêler un instant – du moins en pensée – aux visiteurs arpentant les allées. Que leur flot vous emporte et vous grise ! Entendez-vous le grondement de la foule ? Et cet air entraînant et désuet que jouent, à pleins poumons, les cuivres de la fanfare voisine ? A côté, c’est une autre musique : celle du rugissement des tigres de la ménagerie Pezon, dont se dégage une forte odeur de cuir... Vous y êtes ?

Un peu plus loin, après le coin des lutteurs et les baraques des marchands de bibelots, les magiciens font concurrence aux cartomanciennes et autres vendeuses d’espérance. Puis, ce sont les manèges et leur promesse de tourbillon vertigineux. Que ne laissez-vous transporter et découvrir le monde – sinon Toulouse – à l’envers, à bord d’un wagon lancé sur les montagnes russes ? Ne manquez pas non plus la fameuse roulette et autres jeux de hasard. Tout est prétexte pour tenter sa chance. Alors faites vos jeux !

Spectacle de danse au Théâtre du Capitole, 1965. Fonds André Cros – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi5095

Envol


janvier 2021
Les douze coups de minuit passés, nous nous sommes engouffrés dans une nouvelle année. Tels des danseurs, nous avons pris un envol, pleins d’espoirs, vers un futur pour le moins incertain. Corps planants quelques temps dans les courants descendants du couvre-feu, virevoltes acrobatiques entre l’ouverture de la salle de lecture et le télétravail des équipes... quand pourrons-nous retomber sur nos pieds ?
Et même, en tant qu’individus, quels choix ferons-nous, quelle direction donner à nos pas, à nos résolutions, à nos désirs ? Si vous êtes perdues, si vous souhaitez trouver des réponses aux questions les plus épineuses de votre vie de chercheuse, de toulousaine ou de curieuse (déclinez au masculin si besoin), rendez-vous sur notre base de données au chapitre «  Images » et explorez-donc ! Plusieurs modes de recherche permettent d’affiner les résultats, en sélectionnant un fonds spécifique par exemple, ou via l’accès typologique et thématique. Libre à vous de vous y lancer à corps perdu, telle cette danseuse lors d’un gala au théâtre du Capitole. D’ailleurs, pour voir qui était convié à cette représentation, il suffit d’utiliser le mode avancé, de renseigner « gala » dans le champ titre et « Cros » dans celui de l’ auteur, puis de visualiser les vignettes.
La Baie de Naples et le Vésuve. Eugène Trutat – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 58Fi87.

« Voir Naples et... »


décembre 2020

Notre lettre est donc ce mois-ci consacrée au « soupir ». Superbe occasion, me suis-je dit, d’évoquer Venise – à laquelle je suis aimantée – et son pont fameux. Une opportunité, ai-je pensé, de faire (re)découvrir à nos lecteurs les belles photographies sur plaques de verre réalisées par Eugène Trutat et ses confrères de la Société de Géographie de Toulouse lors de leur périple en Italie dans les années 1880-90. Et de conclure ce billet par une citation s’apparentant à un soupir : "Voir Venise et mourir"... L’affaire était dans le sac !

Or, après vérification… il s’avère que ce ne sont pas les charmes de la cité des Doges qui ont inspiré à Goethe cette citation. Loin s’en faut ! Le poète ayant été subjugué, comme il l’écrit dans son Voyage en Italie, par les magnificences de… Naples.

Me voilà donc partie pour rédiger cet article avec, pour seuls bagages, une citation et un soupir ! « Voir Naples et mourir ». Changement de cap, donc ! Quittons les canaux de la mystérieuse et brumeuse Venise pour la lumière de la Campanie. A nous l’Italie du Sud, ses routes escarpées, la côte Amalfitaine qui n’est que poème, les ruines de Pompéi et le Vésuve dont la cime enveloppée de nuages surplombe le golfe de Naples. Cela ne tombe pas si mal, me direz-vous : Eugène Trutat et ses amis géographes nous ont laissé des souvenirs enchanteurs de leur séjour là-bas. Un album-photo que les voyageurs, désormais immobiles, peuvent consulter en un clic, sans sortir de chez eux.

Portrait en pied, debout, de 3/4, devant un décor peint, d'un artiste vêtu de son costume de scène composé d'un pourpoint orné d'une fraise, d'une cape et d'un chapeau. Eugène Merlin – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 3Fi1505.

Pourpoint


novembre 2020

Un pourpoint, une cape, une barbiche, des bas, des souliers, des froufrous, une fraise, un chapeau à panache, des gants : le costume est riche, et renvoie au 16e siècle. L’artiste, dans une attitude presque bouffonne, soigne son image. Mais quoi d’autre ? Nous avons peu d’informations : une notice descriptive, la numérisation du recto et celle du verso.

La photographie est collée sur un carton orné d’un cadre. Ce décor compte plusieurs motifs en référence à la musique, qui ne sont autres que les attributs des muses de la poésie et de la danse. Sans chercher très loin, on peut supposer qu’Eugène Merlin, qui comptait des artistes dans sa clientèle, avait aussi de quoi présenter ses travaux. Nous avons trois portraits de petit format montrant trois personnages dans le même studio à décor peint, mis en évidence sur un carton avec cadre, destiné lui-même à être encadré. Quelle mise en abîme !

Jeune femme assise sur une banquette, accoudée. Toulouse, vers 1900. Cliché Delon-Moreau – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 1Fi10589.

De la délicatesse


octobre 2020

Il est des détails qui peuvent passer inaperçus ou que l’on croit insignifiants. Et pourtant… 

Quand on examine un portrait ancien conservé dans les fonds, on regarde généralement le tampon du photographe, l’arrière-plan et son décor, la tenue vestimentaire ou encore la coiffure du personnage. Autant d’indices qui vont nous aider à dater l’image, à la contextualiser et à la faire parler. Or, à se concentrer sur ces seuls éléments, on peut manquer l’essentiel : un geste, un regard, une posture, qui pourtant nous font signe(s). Jeune femme assise sur une banquette, accoudée. Toulouse, vers 1900. Cliché Delon-Moreau – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 1Fi10589.

Ainsi du geste, tout en délicatesse, de cette jeune femme posant dans le studio d’un photographe toulousain. Elle est assise, accoudée à une banquette, la main – à première vue – nonchalamment posée sur le dossier. A y regarder de plus près, il n’en est rien. Approchez-vous. Aiguisez votre regard. Voyez cet avant-bras et la texture de la peau. Percevez-vous, dans cet instantané, comme un frémissement – savant mélange de tension et d’abandon, d’appréhension et de confiance devant l’objectif du photographe ?

« Rien de ce qui semble furtif n'est négligeable car il révèle ce souffle de l'air qui entourait ceux qui nous ont précédés et qui nous effleurent encore » témoigne l’historienne Arlette Farge citant Walter Benjamin, qu’elle apprécie tant. Pour elle, certaines photographies sont une « forme de vibration ». Alors que l’histoire officielle passe sous silence les singularités, ces photographies de l’intime exhument les personnages invisibles et les âmes oubliées.

Grève SNCF voyageur seul. Dans les environs de Toulouse. Le 23 octobre 1963. Vue d'un voyageur avec sa valise marchant seul sur la voie ferrée dans les environs de Toulouse. André Cros – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 53Fi3142.

Gare


septembre 2020

Le monde se partage en deux catégories de personnes : celles qui aiment le mois de septembre et celles qui ne l'aiment pas. Toutes les raisons sont valables, quel que soit le groupe dans lequel on se trouve. On peut déplorer la fin des vacances ou apprécier que leur interminable longueur ait enfin trouvé un terme. On peut se réjouir de retrouver les camarades de classe, les enseignants, les collègues, les entraînements de rugby, de porter enfin ces jolis vêtements neufs mais un peu trop épais pour le mois d'août, ou pas. Les bouchons se reforment gentiment sur des axes trop fréquentés, ce qui conduit à des décisions fracassantes : « puisque c'est comme ça, je vais prendre les transports en commun ! ».
Eh bien, il était temps. Cette possibilité est offerte aux toulousains depuis le milieu du 19e siècle, lorsque la ligne de chemin de fer ralliant Bordeaux et poursuivant vers Sète dépose ses paquets de voyageurs, leurs valises, malles, mallettes et boîtes à chapeaux dans le quartier Matabiau. Le réseau de tramways d'alors, conçu pour convoyer les voyageurs entre les différents quartiers de la ville et le chemin de fer, est très bien représenté sur le portail UrbanHist, avec ses 4 lignes au départ de la gare. Vous apprendrez notamment que celle-ci est agrandie tout juste 50 ans après son inauguration. Des plans indiquent l'emplacement prévu pour les consignes à bagages, ce qui vous permettait de laisser votre bagagerie sur place le temps de faire un tour en fiacre pour rapporter quelques souvenirs, puis de repartir fissa : direction l'étang de Thau, le port de Sète, les tielles et le muscat. Parce que oui, il y a d'autres avantages au mois de septembre : celui de partir en congés sans emporter la foule dans son balluchon, les familles bruyantes, les bambins criants, les voisins de plage envahissants, et autres désagréments pour juillettistes et aoûtiens.
Quant aux joies de la circulation à la rentrée, certains semblent leur avoir trouvé une parade : marcher sur les voies, mallette en main. Il n'est pas certain que ce soit efficace, ni confortable, ni sûr.

[Pyrénées. Campement au bord d'un lac]. Ludovic Gaurier – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 67Fi141.

« Là, tout n'est qu'ordre et beauté… »


juillet-août 2020

Parfaite illustration du vers de Baudelaire, cette photographie des années 1910-1920 est une invitation au voyage. Un voyage aux Pyrénées. Celui-là même qu'a entrepris Ludovic Gaurier né à Bayon-sur-Gironde en 1875, descendant d'une longue lignée de marins, entré dans les ordres avant de devenir professeur de sciences naturelles. Alors qu'il n'a pas 30 ans, la surdité le frappe et l'isole : il s'installe alors à Pau et décide de consacrer son temps aux Pyrénées qui le fascinent depuis l'adolescence. A lui, désormais, les grandes explorations solitaires – le surnom d'« ours » lui est attribué –, l'ascension des sommets, l'étude des glaciers, la limnologie… 

C'est d'ailleurs sur les rives d'un lac pyrénéen que l'abbé Gaurier a installé ici son campement, réduit à l'essentiel : deux simples tentes de toile. Juste à côté, les mains posées sur les hanches, un chapeau vissé sur la tête, un homme contemple ce paysage grandiose. S'agit-il de notre pyrénéiste communiant avec cette nature ordonnée ?

Dans son journal, celui-ci relate une nuit d'été passée au clair de lune, au bord d'un lac de montagne. Un éblouissement que je vous partage, en vous souhaitant de bonnes vacances : « Décidément, il fait trop chaud dans mon sac en peau de mouton... Si j'allais faire un tour de canot ?... Quelle nuit magnifique !... Calme complet. Je détache le bateau et me voilà parti sur le lac. La lune à droite du petit Pic se reflète d'une rive à l'autre. Je nage dans la lumière et chaque coup de rame soulève des paillettes d'argent… Longtemps, je vogue ainsi, goûtant avec ivresse le calme divin de cette nuit. » Ordre, calme et beauté.

Gare Matabiau, quai et voie. 4 octobre 1899. Vue d'ensemble d'une locomotive à vapeur en gare. Eugène Trutat – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi13

Souffler


juin 2020

Le doux verbe, dont la seule pensée alimente chez moi des rêves d'autre-part ! Souffler, partir loin, à plus de 100 km, plus loin que la station spatiale internationale, pour plus longtemps que 55 jours, sans masque d'où les sourires ne peuvent plus jaillir que d'yeux, ni mètre, sans télé, sans travail, sans injonctions à la rentabilité du vide, sans école et sans maison. Partir juste dans un grand jardin ensoleillé, à bicyclette avec la liberté sur le porte-bagages. Soyons patients, ce sera pour bientôt. Nous retrouverons peut-être la même émotion qu'Eugène sur le quai de la gare Matabiau devant la fière mécanique fumante prête à l'embarquer vers les flots sétois en un éternuement !
Si nous ne pouvons attendre, il reste une solution : le visio-dépaysement. Cela consiste à se rendre sur une base de données bien garnie d'images, comme celle des Archives municipales, et à y entrer ses propres invites à la rêverie.

Les Jeux Floraux, la Fête des Fleurs (1936). Marius Bergé – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 85Fi1084.

Dans les pas du poète


mai 2020

Nous sommes en mai 1936. Et, comme chaque année depuis des siècles, l'Académie des Jeux Floraux célèbre sa « fête des Fleurs ». L'éloge de Clémence Isaure, figure inspiratrice mystérieuse, ayant été prononcé en salle des Illustres, une délégation de membres de la plus ancienne société savante d'Europe se rend à la Daurade. Les fleurs d'orfèvrerie désormais bénites, il n'y a pas de temps à perdre.
C'est à pied et à un rythme soutenu – en témoignent les visages un peu flous saisis au premier plan – que les « mainteneurs », comme il est d'usage de les appeler, quittent la basilique, leurs fleurs de poésie en main. Après une halte à l'hôtel d'Assézat où la société a établi son siège, ils sont attendus au Capitole pour remettre aux lauréats du concours poétique leurs récompenses.
En 1819, c'est à un poète naissant – le jeune Victor Hugo, âgé de 17 ans – que l'Académie décerna, lors de ce même concours qui l'opposait à Lamartine, la plus haute distinction qui soit. Son « Ôde pour le rétablissement de la statue d'Henri IV » déchaîna, paraît-il, l'enthousiasme quand elle fut déclamée dans les salons du Capitole : elle méritait bien un Lys d'or ! Les années passant, Hugo n'oublia pas l'Académie des Jeux Floraux qui, la première, sut reconnaître et encourager son talent. Ces quelques vers extraits de son recueil, Les Feuilles d'automne, se font l'écho de ce passage toulousain : « Toulouse la romaine où dans des jours meilleurs, j'ai cueilli tout enfant la poésie en fleurs ».

Immeuble situé 2 rue de Metz abritant le « Parfait Jardinier », commerce de graines et de fleurs, 1949. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 1Fi5452.

Eclore !


avril 2020

Ceci n'est pas une injonction, seulement un titre – choisi avec soin – pour désigner cet article. Et il est de saison ! Que nous donne à voir cette image prise en 1949, peut-être un jour de printemps ? Une devanture de magasin, celle du « Parfait jardinier », institution toulousaine proposant depuis près de 150 ans aujourd'hui, aux numéros 2 puis 16 de la rue de Metz, des graines potagères, fourragères et de fleurs.
Difficile me direz-vous, en cette période de confinement, de se procurer fleurs et semences pour vaquer insouciant à sa passion du jardinage. Détrompez-vous…
Ce temps particulier, pour le moins distendu, n'offre-il pas l'occasion de cultiver d'autres jardins, cette fois intérieurs ? Ne peut-on transcender ce printemps confiné pour faire éclore, en « parfaits jardiniers », une créativité, des dons ou des ressources qui ne cherchent qu'à s'exprimer ? C'est à une éclosion de ce genre que je viens d'assister admirative, dans mon service : plusieurs de mes collègues et néanmoins amis s'étant portés volontaires pour prêter main-forte au personnel des centres médicaux avancés mis en place par la ville. Une action solidaire parmi tant d'autres qui me fait dire qu'en 2020, les qualités humaines font aussi le printemps !

Portrait d'une femme âgée de 23 ans, 16 juillet 1855, daguerréotype 1/4 plaque, 22,5 x 23 cm. Fançois Gobinet de Villecholle dit Franck, Furioux – Ville de Toulouse, Archives municipales, 17Fi43 (détail).

Le miroir aux alouettes


juin 2017

S'il fallait retenir quelque chose de l'évolution des pratiques photographiques de ces dix dernières années, ce serait sûrement l'avènement du selfie. De mon collégien de neveu au président des États-Unis, tout le monde doit désormais se conformer à ce nouvel usage sous peine de ringardise. Les smartphones sont devenus les miroirs dans lesquels se mire notre époque. Faut-il s'en inquiéter ?

D'aucuns y voient un symptôme du narcissisme ambiant. Certes, mais le selfie existait bien avant le 21e siècle, il s'appelait juste l'autoportrait. Et d'ailleurs, il fut un temps où les photographies étaient de véritables miroirs. Un daguerréotype n'est pas autre chose qu'une plaque de cuivre recouverte d'une couche d'argent polie, sur laquelle est impressionnée une image inversée, comme un reflet.

On remarquera, comme c'est le cas ici, l'air contraint du sujet. Cela s'explique par le temps de pose qui pouvait parfois dépasser trente minutes. Pour éviter tout mouvement durant cette phase, on utilisait des mécanismes de maintien du corps qui pouvaient s'apparenter à de véritables instruments de torture. Mais que ne ferait-on pas pour devenir immortel ? Et, en même temps, si c'est pour avoir une éternelle tête de nœud...