Arcanes, la lettre


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archives ou de ressources en ligne. Ainsi, des thèmes aussi variés que la mode, la chanson, le cinéma, le feu sont abordés...

NUIT


juin 2024

DANS LES ARCANES DE


Affiche de la nuit sud américaine au Ramier, le 13 décembre 1956. Émile Godefroy - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 19Fi2289.

La nuit (sud)américaine


juin 2024
Avez-vous déjà remarqué, dans certains films, d’étranges scènes de nuit ? Des scènes où la lune semble briller très fort. Des scènes où vous vous faites l’effet d’un véritable nyctalope. Vous êtes alors probablement en présence d’une nuit américaine. C’est-à-dire d’une séquence filmée de jour qui par le truchement de filtres devient nocturne. J’ai longtemps cru que ce procédé avait quelque chose à voir avec le quart d’heure américain, cette parenthèse enchantée où les filles invitaient les garçons durant les boums. Mais, ils avaient simplement tout deux donné leur nom à des films en 1973 et en 1982. En revanche je n’avais jamais entendu parler de la nuit sud américaine qui s’est tenue le 13 décembre 1956 à la discothèque toulousaine Le Ramier.
Quatre ans plus tôt un autre évènement agitait les soirées toulousaines. Un concours, auquel participait Jean Dieuzaide, organisé par l’Association française des éclairagistes, promettait de récompenser le meilleur cliché d’illuminations nocturne.
Notons qu’en l’absence de ces dernières, l’obscurité est souvent propice aux crimes et exactions. Sous l’Ancien Régime, les soldats du guet veillaient à la tranquillité publique, du couvre-feu à l’aube, et l’on retrouve les procès-verbaux de leurs rondes dans nos fonds, soigneusement conservés.
D’ailleurs il y a des règles assez strictes pour que cette conservation soit la plus efficace possible. L’une d’elle consiste à  protéger autant que possible les documents de la lumière qui peut les endommager.
En parlant de protection, saviez-vous que l’hôtel du Grand Balcon, qui se trouve dans l’angle nord-ouest de la place du Capitole est protégé, au titre des monuments historique depuis 1999 ? Il faut dire qu’y a résidé l’écrivain et pilote, Antoine de Saint-Exupéry, créateur du Petit Prince : héros tombé des étoiles.
Les étoiles, certains en tombent, d’autres les scrutent. C’est le cas des Lanternistes qui constituèrent au 17e siècle la première académie savante toulousaine et frappèrent même médaille pour récompenser leurs membres les plus talentueux. Ils n’étaient pas les seuls et les archéologues métropolitains découvrent parfois des pièces du même type à l’occasion de fouilles.
C’est à un autre genre d’exploration que nous vous invitons pour finir. En effet, notre site internet vous permet d’accéder à des sélections thématiques, un éphéméride, des ressources généalogiques et bien d’autres choses encore. Mais n’y passez pas la nuit !

ZOOM SUR


.

Vue sur les kiosques des allées du Président-Roosevelt. 1952. Jean Dieuzaide - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 47Fi313.

Magique


juin 2024

Nous sommes en 1952. L’Association française des éclairagistes1 organise, comme régulièrement depuis 1937, les journées nationales de la lumière. Cette année un concours photographique est lancé, qui incite photographes professionnels et amateurs à se saisir de la nuit à l’occasion de la Semaine de la lumière. L’idée est de collecter des images mettant en exergue le soin apporté par la Ville à l’éclairage de l’espace public et des édifices patrimoniaux, mais aussi celui des commerçants à leurs vitrines. Les pratiques changent, nous sommes dans une période d’expansion économique où l’on ne se préoccupe pas de l’accès aux ressources énergétiques et où l’attractivité se joue tant sur la sécurité accordée aux habitants aux heures sombres qu’à l’esthétique : être bien dans sa ville, c’est aussi la trouver belle.  
Le fonds du concours photographique “Lumières sur la ville” compte près de cinq cents tirages dont plus de soixante-dix sont de Jean Dieuzaide. Certains ont été réalisés pour l’occasion, d’autres pour les besoins de clients. 
Si les images de nuit sont courantes aujourd’hui, celles du 20e siècle nécessitaient une maîtrise technique qui n’était pas à portée de téléphone. Il fallait s’équiper d’un trépied, d’une cellule pour mesurer la lumière et régler l’appareil, de patience pour faire la mise au point et de son expérience pour évaluer le type de pellicules à embarquer. Mais le résultat était souvent si inattendu qu’il avait quelque chose de magique.  
Ce fonds nous embarque parfois dans une atmosphère de polar, rues désertes aux pavés luisants. On pourrait voir Bogart surgir d’une voiture à traction, ouverture des portes vers l’arrière et marche-pied, vêtu d’un imper, borsalino et cibiche au bec, à Toulouse-sur-Chicago.

 

1. L’association existe toujours, sous le nom d’Association française de l’éclairage.

DANS LES FONDS DE


De nachtwacht [la ronde de nuit]. Gravure de Lambertus Antonius Claessens (1797), d'après le tableau de Rembrandt van Rijn. Rijksmuseum, Amsterdam, inv. n° RP-P-1883-A-7355.

Ronde de nuit


juin 2024

4 000, c'est à peu près le total des procès-verbaux des rondes de nuit effectuées par le guet soigneusement couchés dans de fort volumes de la série justice et police entre le 16 juin 1539 et le 4 septembre 1649. Bien entendu nous ne nous sommes pas amusés à en faire le compte exact.

À chacune de ces sorties, l'on a renseigné le nom des soldats du guet présents (voire de capitouls qui n'hésitent pas à payer de sa personne), l'heure de départ de l'hôtel de ville, le parcours suivi ce soir-là (il change tous les jours), les lieux où l'on fit « escoute »1 et puis, bien évidemment, les faits notables s'il y a lieu : courses poursuites, arrestations, découvertes de corps plus ou moins inertes (il y a ceux ivres-morts et ceux bien morts), « ressercs »2, descentes dans des cabarets ou des maisons particulières, jusqu'à quelquefois la narration – penaude – d'une retraite précipitée du guet sous une grêle de pierres et son retour sans tambour ni trompette au corps de garde de l'hôtel de ville.

Les registres de rondes du guet, soigneusement tenu par des notaires de permanence, recèlent des richesses rarement exploitées par les chercheurs3 et leur récente numérisation intégrale devrait permettre à tous de s'en emparer et de se plonger dans un siècle de rondes endiablées.

Alors, n'hésitez plus, entrez dans la ronde de nuit.

_________________________________________

1. La troupe s'arrête, se fond dans la pénombre, retient son souffle, écoute et attend, une sorte de guet-apens mais du côté de la loi et de l'ordre.
2. Perquisitions.
3. Par exemple, ils ont été utilisés comme source complémentaire à l'appui d'une recherche sur le ressenti climatique – en effet, les soirs de grêle ou de grand'pluie sont évidemment indiqués pour justifier que la troupe reste sagement à l'abri des colères du vent.

LES COULISSES


.

Présentation du cartulaire du bourg de Toulouse lors de l’exposition « Parcelles de mémoire » en 2005 au couvent des Jacobins - Mairie de Toulouse, Archives municipales, non coté.

De l'ombre à la lumière


juin 2024

Si la lumière est indispensable à la vie, elle est en revanche problématique pour la bonne conservation de nos archives.

En effet ses rayonnements UV et Infra-rouge, dégradent les matériaux organiques, comme le papier, le cuir ou le parchemin. Pour transmettre ces documents aux générations futures en bon état, il faut donc les maintenir dans l’obscurité la plus totale.
Mais parfois, il est indispensable que nos archives soient exposées au public. C’est le cas de plusieurs de nos documents en ce moment : Un feuillet enluminé des annales manuscrites de Toulouse (XVe siècle) est présenté actuellement au Musée de Cluny à Paris pour l’exposition « Renouveau des arts dans la France de Charles VII » et Quatre documents en parchemin du XIIIe siècle sont exposés au Musée Saint-Raymond à Toulouse pour l’exposition « Cathares ».

Lors de ces évènements, l’éclairage des documents est indispensable pour une bonne visibilité de ces derniers mais celui-ci doit être maîtrisé. Le taux de lux dépendra de la sensibilité du document. Ainsi, une archive composée de matériaux extrêmement sensibles à la lumière sera éclairée très faiblement (50 lux). Elle sera ensuite laissée « au repos » plusieurs années dans l’obscurité afin de maîtriser l’altération par la lumière sur le long terme. Un calcul permet de déterminer ce temps d’attente entre deux expositions avec précision pour, ainsi, permettre un équilibre entre obscurité et lumière.

DANS MA RUE


.

Lucie et Henriette Marquès et le commandant Dabry devant l'entrée du Grand Hôtel en 1949 au moment de la sortie du film « Au grand Balcon ». Jean Dieuzaide - Mairie de Toulouse, Archives municipales, 84Fi8/32.

Vol de nuit


juin 2024
Quoi de plus évident que ce titre du roman de l'aviateur et écrivain Antoine de Saint-Exupéry pour rappeler ce lieu emblématique de la ville de Toulouse ? En effet,  l'hôtel du Grand Balcon, situé entre la rue Romiguières et la rue des lois, avec vue sur la place du Capitole est intimement lié aux noms des pilotes et mécaniciens de l'Aéropostale qui, durant une vingtaine d'années (1919-1939), ont logé entre ses murs lors de leurs séjours à Toulouse. Cet immeuble, bâti dans les années 1850, est le dernier aménagement qui parachève la place du Capitole dont la construction a démarré 100 ans plus tôt par l'érection de la nouvelle façade de l'hôtel de ville. 
Hôtel du Grand Balcon. Carte postale ancienne, vers 1920. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 9Fi7086.Il semble avoir abrité dès l'origine un hôtel comme le signale les annuaires de la Haute-Garonne dès 1856. Au tournant du 20e siècle, c'est la famille Marquès qui est à la tête de cet établissement. Les demoiselles Lucie et Henriette, gérantes après le décès de leur parent, sont même évoquées dans le film retraçant l'épopée de l'Aéropostale "Au grand balcon" tourné en 1949.

Dans les années 1920, l'hôtel est rénové et un ascenseur est installé au centre de la cage d'escalier. Une carte postale de cette époque, montre que ses façades sont enduites de blanc, comme celles des autres immeubles de la place du Capitole. Le rez-de-chaussée est occupé par une épicerie, l'entresol accueille le restaurant de l'hôtel et les chambres se répartissent sur les étages.

Protégé au titre des monuments historiques en 1999, l'immeuble a été entièrement rénové et modernisé entre 2003 et 2008. La chambre n° 32 dite d'Antoine de Saint-Exupéry a été remeublée dans le style des années 1930 gardant ainsi le souvenir du grand homme disparu en mer avec son avion, lors d'une mission, le 31 juillet 1944.

SOUS LES PAVÉS


.

Médaille récompensant le concours de poésie de la société des Lanternistes de Toulouse, dessin publié dans le Mercure galant d'avril 1694.

Lumière dans la nuit, Ariège dans les débris


juin 2024

C'est en 1640 que fut créée, à Toulouse, la société des Lanternistes, précurseur de l'académie des sciences, inscriptions et belles-lettres, et non pas de la compagnie d'éclairage public. En effet, cette curieuse dénomination ne vient pas des lanternes utilisées par les sociétaires pour se rendre à leurs réunions nocturnes, mais plutôt de leur désir d'éclairer les esprits. C'est ce qui transparaît de leur devise apposée sur la médaille en argent qu'ils distribuaient comme prix de leur concours de poésie annuel : Lucerna in nocte. Comme le montre le dessin que nous présentons, cette légende entourait une étoile à l'avers, tandis que le revers montrait Apollon jouant de la lyre et légendé Apollini Tolosano. Avant de disparaître en 1704, les Lanternistes instituèrent aussi un concours de louange au Roi, récompensé cette fois-ci par une médaille en or portant d'un côté le portrait de Louis XIV et de l'autre Pallas s'appuyant sur un bouclier aux armes de Toulouse. Il semble qu'aucune de ces précieuses médailles ne soient parvenues jusqu'à nous. Le numismate toulousain Emmanuel Delorme, probablement frustré de ne pas posséder un original dans sa collection, fit même fabriquer en 1885 des reproductions en cuivre de la médaille Lumière dans la nuit.

Il faudra bien de la chance pour retrouver, lors de fouilles, l'une de ces raretés numismatiques, voire l'une des copies de Delorme. Pourtant, des médailles, on en exhume parfois. Lors d'une intervention récente dans le sous-sol de l'église Saint-Exupère, la cellule archéologique de Toulouse Métropole a découvert, parmi des débris jonchant une ancienne loge funéraire, la médaille d'une exposition-concours tenue à Foix en octobre 1894. Personne n'a su expliquer comment, à partir du centre du département de l'Ariège, elle avait fait son chemin jusqu'à la crypte d'une église toulousaine.

EN LIGNE


.

Toulouse. Octobre 1949. Agent de police assis sur un muret. Négatif N&B, 6 × 4,5 cm. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 30Fi175 (détail).

Voyage au bout de l’ennui


juin 2024

 

À observer le visage de l’agent de police nonchalamment assis sur le petit muret devant nous, la nuit semble bien longue… même si les képis, bâtons et panneaux réfléchissants apportent quelques touches de lumière dans cette rue bien sombre. Pour le voyage, deux destinations s’offrent à nous : Agen ou Albi, mais finalement peu importe où nous irons tant que la route est belle et riche de rencontres.

D’ailleurs, flâner au gré des occasions qui se présentent peut nous offrir de belles découvertes... c’est aussi vrai pour notre base de données : avez-vous déjà essayé de découvrir nos images numérisées en utilisant l’éphéméride ou les sélections thématiques proposées ? De vous familiariser avec notre collection d’ouvrages anciens en parcourant la page dédiée à la réserve ? De compléter votre histoire familiale en farfouillant dans nos ressources généalogiques ?

Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à le tenter : on ne sait jamais, sur un malentendu, vous y trouverez peut-être ce que vous ne cherchiez pas mais qui vous manquait tout de même…alors bon voyage !