Nous avions déjà croisé Joseph Mandement dans un précédent numéro d'Arcanes où nous avions appris que ce toulousain était l'auteur d'un film sur la Préhistoire des Pyrénées et du Périgord diffusé dans les années 1930-1940 et qu'il tenait, à la même époque, une chronique hebdomadaire dans la Dépêche du Midi sur ses découvertes dans les châteaux et les cavernes de l'Ariège. Voici donc pour la partie médias.
Pour la partie médiums, nous avons le témoignage d'une lettre écrite le 10 novembre 1918 par Mandement au préhistorien Emile Cartailhac, dans laquelle il explique que ses recherches étaient guidés par ses défunts parents par l'intermédiaire de son épouse qui était médium. En voici un extrait :
« Mon cher Maître,
Je vais vous dire la chose la plus étonnante, la plus invraisemblable, la plus folle d'aspect (et j'avoue que si je n'étais pas « scientifiquement » sûr de ce que j'avance et si je n'étais pas, d'autre part, certain que vous avez reconnu en moi des qualités d'homme honnête et sérieux, je n'oserais aller plus loin). Donc la voici. Je vous ai dit que je m'occupais de spiritisme. Je suis, en effet, un privilégié ayant comme médium ma femme… Mes guides permanents sont mon père et ma mère. Je savais qu'ils me suivraient pas à pas dans mon voyage et me protégeraient à chaque instant. Mon père m'avait fait espérer un succès complet et m'avait recommandé beaucoup de prudence et surtout de ne pas faire d'ascension. Je vous assure n'avoir eu qu'une crainte, c'est dans la salle du grand éboulis [à la grotte de Niaux]. A Lombrive [autre grotte ariégeoise], j'ai fait demi-tour sur une crevasse béante – par ordre – il nous sera donné plus tard de savoir si l'appel était exact… A mon retour ici je n'ai pu, la semaine dernière, le temps étant pluvieux et par conséquent contraire aux séances, car quand l'atmosphère est basse, les esprits ont de la gêne dans leur respirations et leurs mots sont pénibles et entrecoupés, avoir que quelques propos intéressants ma famille... Aujourd'hui, le temps s'étant remis au beau, j'ai pu avoir ce soir une conversation assez longue avec mon père. En voici le résumé :
« Je te félicite d'avoir tourné ton intelligence et tes efforts vers des choses scientifiques qui intéressent l'Humanité… Mais je veux te dire mon fils, ceci qui te surprendra, bien que tu aies la foi et sois déjà versé dans le spiritisme, c'est que dans les lieux où tu as travaillé, où vous avez scruté tant de questions qui remontent aux premiers âges, vous étiez accompagnés d'une foule innombrable d'êtres qui ont vécu certains deux ou trois générations et que certains d'entre eux vous frôlaient, comme pour vous souffler l'explication des mystères que vous étudiez…. »
Voilà, mon cher Maître, presque mot à mot la conversation que je viens d'avoir. Vous voyez combien elle est curieuse et grosse de promesses... Nous avons peut-être la possibilité d'avoir le fin mot de tous les mystères des grottes... Je vous certifie d'avoir eu l'impression durant notre visite à Niaux d'être suivi par plus que par mes parents. Mon père m'a dit qu'ils étaient une foule innombrable... »
Cet étonnant courrier fait partie de la correspondance passive d'Emile Cartailhac conservée par l'Association Louis Bégouën. Ces archives font actuellement l'objet d'une campagne de numérisation avec un autre lot de correspondances Cartailhac acquis récemment par le Muséum d'Histoire Naturelle de Toulouse et conservé aux Archives municipales. Elles seront prochainement mises en ligne via le site internet des archives mais aussi par l'Université de Toulouse, autre partenaire de ce projet, sur le portail Tolosana qui présente déjà des documents sur les préhistoriens et paléontologues Edouard et Louis Lartet.
Pour conclure, on sait que Joseph Mandement fit aussi beaucoup appel aux pouvoirs médiumniques de son épouse dans la grotte du Mas-d'Azil pour guider des travaux de désobstruction qui lui permirent de découvrir de nouvelles salles, notamment une importante galerie ornée de dessins paléolithiques. Mais les esprits les plus cartésiens diront que, sur un site comme le Mas-d'Azil, il suffit de creuser assez longtemps pour tomber immanquablement sur quelque chose d'intéressant…