L'image du moi(s)


Chaque mois, petit billet d'humeur et d'humour à partir d'images conservées aux Archives. Forcément décalé !

Image du moi(s) - année 2012


Carte publicitaire en forme d'éventail de l'imprimerie Hector Labouche, située 10 place du Capitole, illustrée par une chromo multicolore : astrologue observant une étoile filante au moyen d'une longue vue, seconde moitié du 19e siècle, Hutinet, D. (imprimeur), Paris, chromolithographie, Archives municipales de Toulouse 14Fi386.

janvier 2012


Auspices de Toulouse
Passé le simpiternel bilan de l'année passée, vient inévitablement le temps des perspectives pour l'année à venir. Autant certains évènements de 2011 ont suscité l'enthousiasme, autant ceux prévus pour 2012 suscitent l'inquiétude : la crise, les élections présidentielles, la fin du monde… Dans ce contexte les oracles sont légions, chacun ayant sa méthode et ses prédictions. Le scientifique vous assomme de chiffres et de statistiques mais finalement se trompe autant que le bon vieil astrologue, qui est lui-même souvent assez assommant. Mais il a pour lui un côté folklorique cher à notre cœur, tel ce petit mage scrutant les étoiles sur une carte publicitaire en forme d'éventail de la papeterie Hector Labouche. Savait-il, cet extralucide, que les descendants du  modeste papetier venu de Pamiers allaient donner naissance, dans les premières années du 20e siècle, à l'une des grandes maisons d'édition de cartes postales du sud-ouest de la France ? Mais qui aurait pu le prévoir…
[Toulouse sous la neige, hiver 1954], allées Paul Sabatier, 6 février 1954 , vue d'ensemble d'enfants faisant une bataille de boules de neige au milieu des allées, négatif N&B, photographie Delgay, 6 x 6 cm. Archives municipales de Toulouse, 36Fi105

février 2012


Toulouse, hiver 54
Notre mémoire météorologique est sélective et généralisante. Ainsi tous les étés de notre enfance étaient forcément très chauds et ensoleillés, de même que les hivers étaient forcément neigeux. Cependant nos grandes vacances ont été maintes fois gâchées par une météo désastreuse et que dire des nombreux noëls pluvieux que nous avons dû subir. Mais de cela il ne reste presque rien. De même la mémoire météorologique collective se focalise sur des évènements exceptionnels tels l'été 47 (températures dépassant 40°) ou l'hiver 54, mais en plus y ajoute une dimension catastrophique. On ne retient finalement plus que les drames engendrés par ces conditions extraordinaires. Pourtant, l'hiver 54  a été aussi le théâtre de batailles de boules de neige homériques. Telle celle que l'on voit à l'image immortalisée par M. Delgay sur les allées Paul-Sabatier le 6 février 1954. Certains septuagénaires toulousains doivent encore s'en souvenir…
Enveloppe du premier courrier aérien entre Recife (Brésil, Etat de Pernambouc) et Rio-de-Janeiro adressé au capitaine Joseph Roig, départ 7 mars, arrivée 11 mars 1925, enveloppe imprimée et dactylographiée, cachets au verso. Archives municipales de Toulouse, 14 Fi 365

mars 2012


Une lettre de Pernambouc
Le Pernambouc est un petit état du nord du Brésil au nom rigolo. Sa capitale Récife est située quasiment à la pointe la plus orientale du continent sud-américain. Le 7 mars 1925 elle vit décoller un avion Bréguet XIV de la compagnie Latécoère en partance pour Rio-de-Janeiro. Il transportait l'enveloppe que vous avez sous les yeux mais aussi le capitaine Joseph Roig chargé par le directeur de la compagnie d'établir les lignes aériennes entre la province du Natal, Rio et Buenos-Aires. Le militaire n'en était pas à son coup d'essai, il avait précédemment œuvré pour la ligne Casablanca – Dakar. Ainsi, étape par étape, le rêve de Pierre-Georges Latécoère prenait forme. Sur le terrain des hommes, tel le capitaine Roig, posaient les jalons qui allaient permettre en 1928 d'établir un service postal régulier entre la France et l'Amérique du Sud.
Foire de Toulouse au Cours Dillon, Octobre 1929, vue d'ensemble du stand Cycles Gims, 8 place Dupuy, photographie N&B, Saludas, Joseph, 12,7 x 17,6, Archives municipales de Toulouse, 1Fi5535.

avril 2012


C'est la foire !
En ce mois d'avril 2012, la foire de Toulouse fête sa 80e édition. Créée en 1928 par un groupe de personnalités toulousaines, sous l'impulsion de M. Roguet, elle a pour ambition de « doter notre cité d'un organisme destiné à donner un élan nouveau à son développement agricole, industriel et commercial ». Il s'agit alors de s'aligner sur les grandes métropoles françaises Paris, Lyon, Bordeaux, qui organisent depuis plusieurs années des manifestations similaires. L'appel est entendu dans toute la région, le pays et même l'Europe, des exposants viendront de Budapest. Les Cycles Gim's, dont le nom a consonance anglo-saxonne ne trompe personne, viendront plus modestement de la place Dupuy pour l'édition de 1929. Il n'empêche, la fierté se lit sur le visage du responsable posant au milieu de ses vélos. Est-ce parce qu'il est l'auteur du slogan : « Y'a bon sur cycle Gim's » qui s'étale sur les affiches publicitaires couvrant les murs du stand. Certes cela ressemble un peu à du plagiat. Il faut croire que c'était dans l'air du temps.
Carnot à Toulouse. Souvenir des fêtes de mai 1891, brochure imprimée, R. Thomas et Cie, Toulouse, 1891, Archives municipales de Toulouse, 1 Z 250

mai 2012


Le Président à Toulouse
Le 6 mai prochain les électeurs français vont choisir leur président. A cette  occasion faisons un voyage de 121 années dans le passé pour assister à la visite à Toulouse du Président de la République Française Sadi Carnot les 19, 20 et 21 mai 1891. Cet évènement est l'occasion de fêtes mémorables : retraite aux flambeaux, défilé du cortège présidentiel sous les arcs de triomphe, inaugurations des facultés des Sciences, de l'éclairage public éléctrique et du boulevard Lazare-Carnot (du nom de l'illustre ancêtre), soirée de gala au Capitole, etc. Mais ces réjouissances ne seraient pas complètes sans l'innévitable banquet, si typique de la IIIe République. En voici le menu : bisque de langoustins, petite croustade languedociennes, saumons de l'Adour sur dauphins, filet de bœuf aux petits pois, pâté Tivollier, sorbet au vieux rhum, dindonneaux et chapons gascons truffés, coqs de bruyère du val d'Andorre, asperges de Gramont, ananas montés, mille-feuilles toulousain, arc de triomphe et fromages glacés, fraises, cerises, abricots, raisins frais ; le tout arrosé de vieux Villaudric 1885, vieux Xérès, Château Bordesoule, crû du Galet, Château Belair 1875, Chambertin, Champagne Montebello, Comte Le Mar, Veuve Cliquot ; et pour finir café et vieille fine Champagne. Il faut croire qu'à cette époque la diététique et la fonction présidentielle ne faisaient pas bon ménage. Autres temps, autres mœurs…
Nageurs dans la Garonne lors du troisième triathlon de Toulouse, 27 août 1989, photographie N&B, Pulou, Françoise, 2,4 x 3,6, AMT, 15Fi8242/7

juin 2012


Toulouse à la nage
Alors que l'été pointe son nez, les amateurs de natation vont enfin pouvoir s'exercer à ciel ouvert : au mois de juin les piscines municipales de plein air accueillent à nouveau le public. Pour les plus anciennes, elles ont été construites dans les années 1920-1930 pour éviter aux Toulousains les affres d'une baignade dans les eaux dangereuses et parfois douteuses de la Garonne. Des piscines flottantes étaient installées sur les quais et à la prairie des Filtres ; essentiellement réservées aux hommes mais pour le plus grand plaisir des femmes s'attardant à proximité. Quelques épreuves sportives étaient même organisées dans le lit de la rivière. La plus célèbre d'entre elles est sûrement la traversée de Toulouse à la nage reliant le Fer à Cheval aux ponts Jumeaux, via le canal de Brienne, dont la première édition eut lieu en 1918. Bien que progressivement les rives du fleuve aient été désertées par les baigneurs, la tradition de ces compétitions sportives in situ s'est perpétuée au cours des années 1930, 1950 et même 1980 avec l'avènement du triathlon moderne.
Types méridionaux. 44. Gitanos tondeurs de chiens au travail, carte postale N&B, Baudillon, Labouche Frères, Toulouse, Archives municipales de Toulouse, 9Fi6648

juillet 2012


Chien, c'est l'été !
En période estivale nos compagnons à quatre pattes souffrent aussi de la chaleur. Certes, ils ont toujours la possibilité de se rafraichir dans les fontaines municipales, mais ils y sont parfois concurrencés par leur compagnons humains. Alors, pourquoi ne pas leur offrir une bonne coupe d'été ? Il est vrai que Toulouse compte aujourd'hui plusieurs dizaines de salons de toilettage canin aux noms plus évocateurs les uns que les autres : « Au pense bêtes », « Histoire d'Os », « Plutto'Chic », etc. Leurs prédécesseurs du début du siècle avaient pour salon la rue. Il s'agissait généralement de gitans de Saint-Cyprien qui arpentaient la ville en proposant leurs services. En ces temps là, les toiletteurs s'appelaient tondeurs de chiens. Nettement moins glamour...
Élément de décors d'Opéra, fin XIXe siècle, Eugène Benoist dit Gardy. Dessin et peinture sur papier, 26 x 30 cm, 63 Fi 2.

août 2012


Été bohème
Nous avons vu le mois dernier comment les tziganes avaient inspiré les éditeurs de cartes postales avec les fameux « Gitanos tondeurs de chiens ». En ce mois d'août où vont être fêtées les Saintes-Maries-de-la-Mer, parmi lesquelles Sara patronne des Roms, souvenons nous qu'ils ont aussi inspiré de nombreux artistes. On ne compte plus les œuvres qui les mettent en scène. Leur style de vie  entre pauvreté, vagabondage et fantaisie a même influencé celui des artistes. On peut voir ici la bohème illustrée par un élément de décor d'opéra réalisé par Eugène Benoist dit « Gardy » qui travailla pour le Théâtre du Capitole de 1895 à 1930. Son fils Amable Benoist dit « Amable » lui succéda au poste de décorateur. Leurs descendants ont déposé les maquettes de travail de ces deux artistes aux Archives de Toulouse en 2006.
Tableau n° 30. La Vache, J. Anscombe, Maison des instituteurs, Saint-Germain-en-Laye, années 1950. Carte scolaire imprimée, 75 x 90, 13 Fi 21.

septembre 2012


Oh la vache ! C'est la rentrée
Ces dernières années ont vu fleurir une nostalgie de l'école d'antan. Chaque objet s'y rapportant se trouve ainsi paré d'une aura quasi-magique. Des hommes, des femmes de tout âge s'extasient devant des pupitres de bois, des plumes ou des encriers, plongent dans des cahiers et carnets d'élèves, et l'on entend s'élever un grand soupir : « Ah ! C'était le bon vieux temps ». C'est un peu vite oublier l'angoisse au passage de la grille de l'école ou au moment des interrogations. Le désespoir lorsqu'en plein mois d'août apparaissent les premières publicités pour les fournitures scolaires. La peur de se retrouver dans la classe d'un instituteur ou professeur particulièrement sévère,  qui, c'est amusant, est devenu pour certains nostalgiques « sévère mais juste », alors que c'était juste une vraie peau-de-vache. Mais si l'on en croit le point 4 de la carte ci-contre « La vache est un animal utile ». Ayons-donc une pensée pour les enfants qui vont retrouver, en ce mois de septembre, le chemin des institutions scolaires.
Lucien Huberty dans le rôle d'Hamlet, Germaine Chaumel, novembre 1947. Négatif N&B, 12 x 9 cm. © Chaumel - Martinez

novembre 2012


"La mort vous va si bien"
A chaque mois sa spécialité. En mars, les giboulées, en décembre, les fêtes, en avril c'est le poisson et en novembre...c'est la mort. Entre la Toussaint et l'hommage aux morts de la guerre 1914-1918 on peut dire que l'atmosphère n'est pas à la rigolade. D'ailleurs, tous les professionnels du secteur funéraire en conviennent, s'il fallait choisir un mois pour mourir ce serait assurément le mois de novembre. Ces jours de recueillement sont aussi l'occasion questionnements existentiels du style : « être, ou ne pas être ? » ; comme dirait Hamlet « là est la question ». Toutefois faut-il faire une confiance aveugle à ce prince danois qui voyait des spectres, qui projetait des assassinats et qui a fini lui même trucidé ? Si vous voulez mon avis, cette histoire a dû sûrement se passer en novembre. Ce même mois de l'année 1947 vit la représentation au Théâtre du Capitole du Hamlet de Shakespeare adapté pour l'opéra par Ambroise Thomas, Michel Carré et Jules Barbier ; le rôle titre étant tenu par le baryton Lucien Huberty. Ce très beau portrait est l'œuvre d'une photographe toulousaine, Germaine Chaumel, et sera présenté dans l'exposition « Germaine Chaumel. Profession photographe » à partir du 20 novembre prochain à l'espace EDF Bazacle. Nous célébrons cette année le 30e anniversaire de sa disparition. Décidément, on n'en sort pas.
« Le réveillon des gueux », Germaine Chaumel, décembre 1937. Image numérique d'après négatif N&B, 6 x 6 cm.© Chaumel-Martinez

décembre 2012


Réveillon "dégueu" à Toulouse
Il fallait un sens de l'humour assez tordu pour appeler la soirée des fêtes de fin d'année 1937 organisée par l'Armée du salut  « Le réveillon des gueux ». Certes, réunir quatre cent clochards dans le réfectoire des Jacobins a dû poser quelques problèmes de promiscuité, et peut-être que certains participants n'étaient pas d'une hygiène irréprochable, mais ce banquet n'avait assurément rien de dégoutant ; que l'on en juge par son menu : garbure, sauté de veau printanier, rôti de bœuf, pommes boulangères, fromage, gâteaux, oranges, café. Présente sur place la photo-reporter Germaine Chaumel à couvert avec empathie ce qu'il est convenu d'appeler un marronnier de la presse d'époque. Peut-être avait-elle à l'esprit la photographie portant le même titre réalisée cinq ans plus tôt par le photographe parisien d'origine hongroise Brassaï. Le cliché ci-contre est visible dans l'exposition "Germaine Chaumel, profession photographe" qui se tient jusqu'au 24 février prochain à l'espace EDF Bazacle.