L'image du moi(s)


Chaque mois, petit billet d'humeur et d'humour à partir d'images conservées aux Archives. Forcément décalé !

Image du moi(s) - année 2023


Chasseur à cheval de la garde impériale de l’armée française lors de la campagne de Portugal et d’Espagne, 1807-1814, gouache sur papier, 32,5 cm x 24,5 cm. Lieutenant Defossé – Archives de Toulouse, 3S23.

décembre 2023


Pas de cadeau !

Loin de moi l’idée d’être le rabat-joie de service à vous culpabiliser des cadeaux que vous allez faire et recevoir lors des fêtes de fin d’année. Mais il faut reconnaître que le mouvement de « déconsommation » n’est pas dénué de fondement au vu des perspectives écologiques qui nous sont annoncées. Faut-il pour autant s’interdire d’offrir des présents à cette période de l’année ? Et comment expliquer cela à des enfants ? Certes, on peut évoquer les noëls frugaux de Grand-papa où une orange ravissait un bambin. C’est possible, car j’ai le souvenir d’un copain allemand qui recevait systématiquement des chaussettes à cette occasion, sans pour autant être déçu.
En revanche, je connais un autre Germain qui dû être sacrément désappointé : François Ier d’Autriche, et son compère le tsar Alexandre Ier, qui furent défaits par notre Napoléon national à Austerlitz le 2 décembre 1805. Malgré toutes les controverses qui entourent encore l’empereur français, jamais son génie militaire n’a été remis en cause. Ses adversaires le savaient, il ne faisait pas de cadeau sur les champs de bataille, et ils sont d’ailleurs devenus, avec le temps, ses plus grands zélateurs.
A tel point que vient de sortir sur nos écrans un nouveau biopic consacré à l’ascension du caporal Bonaparte, réalisé par… un Anglais. On y célèbre le destin hors-norme du natif d’Ajaccio et son infatigable énergie. La petite histoire raconte que sa propension à débiter son prénom « Napoleone » à toute vitesse mêlée à son accent corse l’avait fait surnommer « La paille au nez » par les autres élèves de l’Ecole Militaire. Des mauvais esprits ont pu y voir une référence à l’absorption nasale de substance stimulante expliquant l’inépuisable dynamisme du futur empereur. Comme quoi, ce n’est pas toujours un cadeau d’être une légende.      
  

 

Statue de saint Michel réalisée par la manufacture Giscard, négatif N&B, 18 x 13 cm - Giscard – 46Fi307

novembre 2023


Faîte des saints

Il fut un temps où l’histoire des personnages édifiants - que nous célébrons à la Toussaint - était à son sommet de popularité à l’instar, par exemple, des superhéros actuels. Ainsi n’importe quel bambin pouvait vous instruire sur le passage au grill, littéral, de saint Laurent par fidélité à son ami et pape Sixte II martyrisé par les Romains, au même titre qu’aujourd’hui il peut vous expliquer comment Peter Parker, piqué par une araignée radioactive, a développé des capacités extraordinaires qui ont fait de lui Spiderman.


A bien y réfléchir, on trouve pas mal de points communs entre ces deux catégories héroïques. Les saints et les superhéros sont des hommes ou des femmes qui ont des superpouvoirs, qui sont quasiment immortels, qui parfois se disputent et qui surtout ont fait couler beaucoup d’encre et de peinture, sans oublier la profusion de sculptures à leur effigie. D’ailleurs, en visitant certains appartements de vieux adolescents, remplis de figurines, posters, et autres magazines aux couleurs chatoyantes, on a souvent l’impression de pénétrer dans la chapelle d’un nouveau culte.


Néanmoins, tous ne seraient pas d’accord pour mettre sur un même plan le Superman de Siegel et Shuster et la Légende dorée de Voragine, d’autant plus que certaines facultés propres aux bienheureux pourraient difficilement être utilisées par des justiciers voulant sauver le monde. Prenez par exemple le myroblitisme, plus simplement dit la capacité de mourir en odeur de sainteté, où le corps terrestre des intéressés se décompose en exhalant une fragrance de myrrhe. Imaginez la scène : « Thanos, si tu n’arrêtes pas cette machine infernale qui va détruire l’univers, je décède sur le champ et ça va sentir bon pendant des années ». A défaut d’être efficace, ça aura au moins le mérite de plonger le super-vilain dans une grande perplexité.

Valras plage, 1965, positif couleur, 2,4 x 3,6 cm - Jean-Paul Escalette - 42Fi2729 (détail).

octobre 2023


Indian sommaire
« Nous marchions sur une plage un peu comme celle-ci
C'était l'automne, un automne où il faisait beau
Une saison qui n'existe que dans le Nord de l'Amérique
Là-bas on l'appelle l'été indien »

Comme ces lignes, extraites d’un classique de la variété française qui fut le plus grand succès de Joe Dassin, nous paraissent bien lointaines ! Car aujourd’hui, il ne fait pas seulement beau en automne, mais vraiment chaud. Et d’ailleurs, cela ne concerne pas que l’Amérique du Nord, mais bien tout l’hémisphère septentrional. En outre, il ne doit plus être correct de lui donner le nom d’été indien, il faudrait mieux parler d’été natif-américain. Cette approche assez sommaire mérite néanmoins un approfondissement quant aux suites et aux origines de ce tube planétaire.

Cette chanson a en effet été adaptée en allemand sous le titre Septemberwind. Le concept d’été indien étant incompréhensible de l’autre côté du Rhin - car il neige déjà en automne, les auteurs se sont rabattus sur le vent de septembre. Les Américains ont fait un Indian Summer, correct d’un point vue étymologique et météorologique. Quant aux Italiens, ils nous ont donné L'estate di San Martin, encore plus précis, faisant référence à l’été de la Saint-Martin qui s’intercale généralement entre la fin de l’automne et le début de l’hiver.

Il s’agissait là d’un retour aux sources, car la chanson originale était bien transalpine. 
Adaptée en français pour notre Joe national par le duo Pierre Delanoë et Claude Lemesle, elle s’intitulait nativement Africa et avait un tout autre sujet. Le compositeur s’imaginait en vieux bluesman noir américain, exhortant ses frères à retourner sur le continent d’où ils avaient été arrachés par les négriers. Comme un signe, le regretté Toto Cotugno, co-auteur de cette composition, s’est éteint cet été… 

septembre 2023


La Cros' expo


Mesdames et Messieurs !


J’ai le grand honneur de vous annoncer l’arrivée dans votre belle ville de Toulouse de la plus incroyable des attractions ! À compter du 5 septembre, vous pourrez aller admirer à la médiathèque José-Cabanis l’exposition :
« André Cros, photographe de terrains. Clichés de rugby 1945-1988 ».


Vous y découvrirez les phénomènes les plus étonnants :
Henri Pistre, le « pape du rugby » : 50 % curé, 50 % athlète, qui dissimule sous sa soutane le maillot de son équipe favorite ;
Roger Bourgarel, ¼ banquier ¾ rugbyman : avec lui, les moindres erreurs se paient cash ;
les frères Spanghero, les Hercules du Lauragais : ils sont comme l’Aude en crue, infranchissables, inarrêtables ;
• à moins qu’ils ne trouvent sur leur route le « cube » Georges Aillères : un monument du rugby que l’on croirait fait de brique tellement il est solide.


Et la maison ne reculant devant aucun sacrifice, elle vous propose non pas 1, non pas 2, mais bien 3 expositions pour le prix d’une – par ailleurs gratuites. Vous retrouverez donc d’autres photographies de rugby d’André Cros dans les trois marchés couverts toulousains : Victor-Hugo, les Carmes et Saint-Cyprien ; ainsi que « Rugby à la une ! Photographies de presse », une exposition à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine.

 

 

 

 

Autoportrait symbolique d’Eugène Trutat, 1906, négatif N&B, 13 x 18 cm. Eugène Trutat – Mairie de Toulouse, Archives municipales, 51Fi1674

août 2023


Gens d’août

Quel est le point commun entre l’abbé Pierre, Coco Chanel, le petit Grégory, Michael Jackson, Napoléon Bonaparte, Léo Ferré, Neil Armstrong, Régine Deforges, Andy Warhol, Gustave Le Gray, Eugène Trutat, Patrick Swayze et Geneviève de Fontenay, mis à part le fait qu’ils soient – à divers degrés - plus ou moins célèbres  ? Vous l’avez peut-être deviné : ils sont tous nés en août.
Il existe des théories selon lesquelles la date et l’heure de votre naissance détermineraient votre personnalité, voire votre avenir. D’aucuns ont essayé, en vain, de me convaincre qu’il s’agissait-là d’une science. Cela ne m’empêche pas de penser que les astres nous parlent, je suis juste sceptique quant à ceux qui les écoutent. Si ce sont des savants équipés de télescopes et radars géants, je vais sûrement les croire. S’il s’agit juste de Françoise dans son salon, je vais me méfier. Vous noterez d’ailleurs que les bulletins de la NASA ou de l’ESA vous donnent rarement des conseils sur votre vie sentimentale ou professionnelle.
Pour en revenir aux natifs d’août, au vu de la précédente liste, on pourrait croire qu’ils sont prédestinés à la célébrité. Pourtant, je connais un Hervé qui est né le 15 de ce mois et, à part, ses amis, ses collègues et sa famille, statistiquement, très peu de gens le connaissent. Cependant, jamais au grand jamais, ne lui serait venu à l’idée d’envahir la Russie ou d’organiser un concours de miss pour acquérir quelque renommée. Je me souviens tout de même qu’il avait gagné un prix d’encouragement lors d’une exposition photo organisée par le Centre d’activités culturelles de Colomiers. De quoi rendre jaloux Le Gray ou Trutat ? J’en doute.
Bâtiment des postes et télégraphe de Cierp-Gaud (Haute-Garonne), 1900-1915, négatif N&B sur verre, 9 x 12 cm. Henri Laffont - Mairie de Toulouse, archives municipales, 18Fi1019.

juillet 2023


Vacances de Poste
Il paraît qu’il y a de moins en moins de bureaux de poste dans nos villes et villages. La tendance ne date pas d’hier, et l’on a vu régulièrement des habitants s’inquiéter du départ de ces établissements, au même titre que celui des boulangeries, cafés, stations-services et même guichets automatiques bancaires. Pour autant, des solutions ont été trouvées. Ainsi, dans certaines petites communes, on peut faire affranchir ses colis dans un cabinet médical, qui fait aussi fleuriste et accessoirement salon de thé. On se croirait presque dans le Marais.
Il est vrai que l’on reçoit de plus en plus d’objets par courrier, mais que l’on s’échange de moins en moins de lettres. Et de fait, nous avons perdu un peu de ce qui faisait la magie des vacances : la correspondance estivale. Vous savez, ces cartes postales, de plus ou moins bon goût, expédiées aux parents proches ou éloignés, aux amis et aux collègues : « Poutous de Toulouse », « C’est super le Cap d’Agde », « Gros bisous de Marseillan-Plage », « Il fait chaud à Saint-Tropez », où figurait systématiquement une jeune femme plus ou moins dénudée. Découvrir une de ces cartes dans sa boîte aux lettres est une expérience ambivalente. On est à la fois content d’avoir des nouvelles, mais aussi un peu honteux du médium souvent très moche, quand il n’est pas carrément grivois.
Dans cette chaîne qui relie la villégiature au domicile principal, le bureau postal est ainsi un maillon essentiel, car s’y trouve le sésame épistolaire : le timbre. Mais, acte manqué ou pas, vous oubliez régulièrement d’en acheter avant de partir en vacances. Vous serez donc amenés à fréquenter une petite Poste locale, que l’on croirait parfois tout droit sortie de Jour de fête, où le décryptage des horaires d’ouverture relève parfois de la gageure. Si vous vous y prenez bien, vous pourrez néanmoins y acheter un timbre rigolo pour l’oncle Gérard qui les collectionne.
Appelés à la base aérienne 722 de Saintes (Charente-Maritime), 1968, positif couleur, 2,4 x 3,6 cm. Jean-Paul Escalettes - Mairie de Toulouse, archives municipales, 42Fi3696.

juin 2023


L’appel des 18 jeunes
J’ai un souvenir assez mitigé de mes 18 ans. J’étais à la fois très excité et très effrayé. En somme, j’étais jeune. J’allais enfin pouvoir passer mon permis, ce qui n’est pas rien pour un banlieusard. Encore fallait-il avoir une voiture à disposition et rien n’était moins sûr. Comme dans les familles nombreuses, où les plus jeunes finissent d’user les habits des plus vieux, il y avait peut être une chance de récupérer une antiquité roulante auprès d’une grand-tante, d’un cousin ou d’une relation.
On connaît tous ces véhicules : deux-chevaux cabossée aux essuie-glaces manuels, 4L rouillée aux portes dépareillées, Renault 5 orange émaillée d’autocollants, sans oublier la 205 Junior avec les sièges qui s’effritent. Une sorte de monstrueuse parade mécanique plus proche de « Trasts and Curious » que de « Fast and Furious ».
Mais l’année de la majorité faisait aussi peser sur ma tête l’épée de Damoclès des trois jours. Pour les femmes ou ceux nés après 1978, cela n’évoque peut-être pas grand-chose, mais pour les autres ce sont des souvenirs d’insomnies et de sueurs froides. Dans la région, cette journée préparatoire à l’appel sous les drapeaux se déroulait à Auch. Si bien que cette ville, par ailleurs pittoresque, était nimbée, pour les jeunes hommes, d’une aura maléfique. Une manière de Mordor gersois.
Nous étions toute une bande, à peu près du même âge, à traîner dans le quartier. J’ai le souvenir précis de la journée suivant la réception des fatales lettres de convocation. Les visages défaits de la plupart d’entre nous. Certains n’avaient pas dormi, d’autres avaient déjà élaboré des stratégies. Chacun avait son histoire horrifique : l’officier sadique terrorisant les bleus, le simulateur finissant interné en hôpital psychiatrique, la forte tête envoyée chez les paras, etc. Des histoires qui ne doivent plus faire peur à grand monde aujourd’hui car on parle de rétablir le service militaire…
Cerise à Saint-Jory, 28 mai 1967, positif couleur, 2,4 x 3,6 cm. Jean-Paul Escalettes - Mairie de Toulouse, archives municipales, 42Fi3256.

mai 2023


Il n’y a pas de mai

Un film français de Robert Benayoun affirmait en 1969 : « Paris n’existe pas ». Slogan surréaliste pour une intrigue qui ne l’est pas moins. Jugez-en : après avoir consommé une substance psychotrope un artiste parisien acquiert le pouvoir de voyager dans le temps. Si l’on en croit Aldous Huxley, ce sésame lui aura ouvert les portes de la perception, mais comme le rappelle le préposé à la trésorerie de Trie-sur-Baïse, les portes de la Perception ferment à 16 h.
Pour paraphraser Robert, j’ai parfois l’impression que mai n’existe pas, ou pour être plus juste, n’existe plus. Oublié le mois de l’insouciance, des chapardages de fraises et cerises, des virées nocturnes en bandes, des premières baignades dans l’eau encore frisquette. Aujourd’hui, mai se résume à de savants calculs pour obtenir le maximum de vacances en posant le minimum de congés ; à synchroniser les agendas des uns et des autres pour arriver à passer quelques heures en famille ou avec des amis.

Mai où es-tu passé ? 
Probablement dans les recoins de mon cerveau, juste à côté des décembres neigeux. À ce sujet, avez-vous déjà remarqué combien les étés de notre enfance étaient chauds et ensoleillés, les hivers froids et enneigés ? N’y voyez pas forcément de lien avec le réchauffement climatique, mais plutôt avec le fonctionnement de la mémoire qui généralise les évènements météorologiques exceptionnels de nos jeunes années. Pour des générations, l’hiver rigoureux de 1985 a créé un récit qui a progressivement contaminé les autres périodes hivernales. D’où l’expression : « C’est neigeux avant ». 

Carte postale publicitaire pour le cravatier Pascal, années 1920-1930, phototypie, 14 x 9 cm. Mairie de Toulouse, archives municipales, 14Fi574.

avril 2023


Moi(s), Pascal

Il paraît que Pascal est aujourd’hui un prénom devenu rare. Non pas qu’il ait totalement disparu de la circulation, mais il semble que plus personne ne veuille le donner à ses enfants. Il faut dire qu’en la matière, nos contemporains rivalisent d’originalité. Loin de moi l’idée de fustiger les parents des Térébenthine, Tugdual, et autres Foulque, leur progéniture s’en chargera, mais il y avait peut-être de bonnes raisons à ce que certains prénoms soient oubliés ou même jamais donnés. Néanmoins, je profite de cette chronique pour rendre hommage à tous les Pascal que j’ai croisés au cours de ma vie en soutien à ce patronyme en voie d’extinction.
Je suis donc Pascal C., copain de primaire aux dents de lapin, qui habitait à quelques pas de l’école, et qui se tenait toujours prêt à faire les pires idioties. Je suis aussi Pascal P., comme moi, banlieusard bondissant dans un lycée citadin. Arborant la panoplie du « hardos » - baskets americana, jeans élastiques, perfecto et bien sûr une coupe mulet à rendre jaloux Tony Vairelles – agrémentée des patchs et t-shirts de ses groupes favoris : Carcass, Deicide, Cannibal Corpse ou encore Necrophagia. De quoi faire dresser les cheveux sur la tête de sa môman.
Je suis encore Pascal tout court, coiffeur génial qui présida à mes destinées capillaires pendant deux décennies. Sa retraite sonna le glas de ma chevelure et me vit errer de salons en salons des mois durant. Et pour finir cette odyssée pascalienne, je suis Pascal O., goal charismatique, notamment de Marseille, et chanteur occasionnel qui nous donna le mémorable « Tape dans un ballon » qui pourrait en remontrer à nos actuels rappeurs phocéens :


"Fleurs de tags sur béton pour décor chimérique
L'horizon graffiti a cassé tes musiques
Y'a une bille de flipper qui cogne dans ta tête
Tu sais plus où aller, t’es mal dans tes baskets
Moi je suis passé par là
Envie de tout casser, quelquefois
Et me frapper la tête contre les murs
Comme toi j'étais en mal d'aventures
Mais j'ai trouvé, ma vérité
Fais comme moi, et tout changera".

Carte postale célébrant le titre de champion de France du Stade Toulousain en 1912, chromolithographie, 9 x 14 cm. J. M. Degeilh – Mairie de Toulouse, archives municipales, 9Fi5420

mars 2023


En rouge et mars
Le 31 mars 1912, le club de rugby du Stade Toulousain remportait son premier titre de champion de France et débutait ainsi une longue marche qui allait l’emmener vers le palmarès le plus brillant du rugby européen. Jugez-en : 37 titres au total, dont 21 de Champion de France, 5 coupes d’Europe de rugby. Pour ne parler ici que des résultats de l’équipe première.
Mais cette année 1912 devait avoir une saveur toute particulière car ladite équipe était demeurée invaincue tout au long de la saison. Forteresse imprenable, ne s’étant inclinée lors d’aucun match, tant officiels qu’amicaux, elle fut en conséquence baptisée « La Vierge Rouge ». Les illustrateurs ne se firent pas prier pour l’incarner sous les traits d’une jeune fille, parfois vêtue de rouge, parfois pas vêtue du tout, et affublée – pour une raison mystérieuse – du sobriquet « Zézette ».
Loin de moi l’idée – très en vogue ces dernières années – de regarder avec condescendance nos aïeuls, mais reconnaissons qu’en associant les termes « vierge », « rouge » et « zézette », ils ont vraiment fait carton plein. D’autant qu’aujourd’hui, même les hagiographes de l’autre « Vierge Rouge », la communarde Louise Michel, sont accusés d’avoir créé et diffusé ce nom de guerre présentement jugé dévalorisant pour la mémoire de la célèbre insurgée. En parlant mémoire et d'inssurection, j’en profite pour signaler que le 25 mars prochain nous célébrerons le 152 e anniversaire de la proclamation de la Commune à Toulouse.
Capitole, 1842, planche lithographique extrait de Toulouse Monumentale et Pittoresque par Jean-Mamert Cayla et Paul Cléobule. Perrin (dessinateur), Achille Delor (graveur) – Mairie de Toulouse, Archives municipales, RES111 pl. 5.

février 2023


Février 2.0

Au début des années 2000, on donna aux nouvelles évolutions qui transformaient le World Wide Web, le nom de Web 2.0. L’expression, bien qu’issue de la culture geek, séduisit un large public. A tel point qu’on la retrouva utilisée dans des domaines divers et variés. Ainsi, on peut essayer d’imaginer le management 2.0 ou la ville 2.0, mais qu’est-ce qu’une mère 2.0 ? Une « intrapreneure d’un programme d’acculturation digitale pour tous » qui suit avec « curiosité l'usage des nouvelles technologies de sa fille » ? Ou juste une maman qui revend ses vêtements sur Internet et espionne son ado sur les réseaux ?
On peut y voir un symptôme du présentisme qui tente de qualifier la nouveauté d’une façon toujours plus absconse. L’usage du jargon technico-informatique est caractéristique à cet égard, mais aussi périlleux car il se périme très vite. Alors que l’actualité est au Web 3.0, j’entendais récemment une ex-gloire des années 1980 qualifier George Michael de « Frank Sinatra 2.0 ». Ok boomer ! T’as raté tellement de trains que plus personne ne peut t’aider, et t’accrocher aux wagons de la modernité restés en gare ne va pas arranger ton cas.
En revanche, Toulouse était au rendez-vous de l’Histoire le 25 février 1848, lorsque fut proclamé, depuis le balcon de l’hôtel de ville du Capitole, l’avènement, non pas de la République 2.0, mais bien de la Seconde République. Certes, elle ne dura que quelques années mais, comme son nom ne le laissait pas présager, sema les graines d’une troisième qui, à la fin du 19e siècle, devait installer durablement un régime démocratique en France. Il y a eu plusieurs mises à jour depuis cette époque, et parfois les installations des nouvelles versions ont bien failli faire planter le système. Néanmoins, il tourne toujours à l'heure ou j'écris ces lignes.

Boulangers au bureau de bienfaisance de Toulouse, 1938-1940, négatif N&B, 9 x 12 cm. Marius Bergé – 85Fi681

janvier 2023


Four de l'an
Dans la France du Grand Siècle, lorsqu’un spectacle ne rencontrait pas son public, on préférait annuler la représentation. Les lustres n’étaient pas allumés et la salle demeurait dans l’obscurité la plus profonde ; il y faisait noir comme dans un four. Ainsi naquit l’expression « faire un four » chez les comédiens, qui s’est ensuite popularisée pour caractériser un gros ratage ou  un échec retentissant.
En ces temps de bilan, nous pourrions donc placer l’année 2022 sous le signe du four. Diplomatique d’abord, militaire ensuite, mais aussi climatique, tant littéralement que littérairement pour cette dernière occurrence. Ainsi nous-avons pu ressentir, concrètement cet été, l’échec cuisant – si j’ose dire – des politiques visant à ralentir le réchauffement global. Et pour tout dire, nous avons parfois eu l’impression de vivre à l’intérieur d’une fournaise.   
Comme disait ma grand-mère : « On ne peut pas être à la fois et au four et au moulin », plagié sans vergogne par Mamère qui affirmait « On ne peut pas être à la fois et au fioul et à l’éolien ». Il a tout piqué à ma mémé ce gars-là, même sa moustache !  Pour filer la métaphore, on peut comprendre qu’il soit difficile d’avoir plusieurs fers au feu en même temps, surtout en période de crise, mais espérons que les grands ratages de l’année passée seront à l’origine des grandes réussites de l’année à venir. Pas comme moi, avec le Dry January, où j’échoue à chaque fois.