Arcanes, la lettre

Dans ma rue


Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archive ou de ressources en ligne. Retrouvez ici les articles de la rubrique "Dans ma rue", consacrée au patrimoine urbain toulousain.

DANS MA RUE


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Projet pour Toulouse-Le Mirail de Candilis. 1961. Maquette n° 32. Concours ZUP le Mirail Toulouse. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 2OBJ90.

Une oie deux oies trois oies quatre oies cinq oies six oies c’est toi


mai 2024
Non, ce n’est pas en jouant à plouf plouf que sont choisis les architectes chargés de réaliser les grands équipements publics. Dernièrement, c’est à l’issue d’un concours international d’architecture qu’ont été désignés les maîtres d’œuvre de la future halle des mobilités de Marengo dans le cadre du projet d’aménagement urbain Grand Matabiau quais d’Oc.
Les premières traces concrètes du concours d’architecture apparaissent à Florence au 14e siècle pour la construction de la Loge des Priori en 1355. Au 17e siècle, le concours pour le palais du Louvre organisé par Colbert en 1664 est considéré comme le premier de ce genre en France. Depuis lors, cette procédure apparaît comme le meilleur moyen pour comparer les projets, le plus démocratique aussi, et le lieu de toutes les expérimentations possibles.
La pratique explose au 19e siècle et avec elle l’apparition d’une réglementation spécifique. À Toulouse, l’un des premiers concours de la période contemporaine concerne la création d’un réseau de distribution d’eau potable : en 1817, la municipalité met au concours l’alimentation en eau de la ville ; suivent ensuite des concours pour l’édification de fontaines (place de la Trinité en 1824), pour la construction de l’hôtel de la Bourse (1835), pour l’achèvement du Capitole (1840), pour l’édification d’un nouveau théâtre (1844), pour des églises (celui de l’église Saint-Aubin en 1843), pour les marchés (1889), etc.
Si les projets soumis à concours sont légion au 19e siècle, cela ne semble plus être le cas dans l’entre-deux-guerres : l’architecte de la ville règne en maître sur toutes les réalisations de la municipalité socialiste de 1925 à 1935 (écoles, bibliothèque municipale, parc des sports). Seuls les monuments ou les décors liés aux nouveaux édifices suivent alors la procédure du concours, le plus souvent uniquement ouverts aux artistes toulousains.
En revanche, la seconde moitié du 20e siècle voit le retour de cette pratique favorisant « la saine émulation et l’exploitation du potentiel créatif de toute une génération d’artiste ». En 1961, un concours est ouvert pour l’aménagement de la ville nouvelle du Mirail ; en 1981, c’est celui pour la zone d’aménagement concertée de Compans ; au début des années 1990, l’équipe des nord-américains Robert Venturi, Denise Scott Brown et associés remporte le grand concours international pour la construction du nouvel hôtel du Département. On pourrait en citer de nombreux autres encore.
Mis à l’honneur par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, le concours « participe à la création, à la qualité et à l’innovation architecturale et à l’insertion harmonieuse des constructions dans leur milieu environnant » ; son histoire à Toulouse reste à faire.
« La fête des Jeux Floraux » de Jean-Paul Laurens. Phot. Stéphanie Renard, 2016 (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20163100454NUCA.

Histoire de poésie, une célébration de la « fin'amor »


avril 2024

En montant les marches en pierre de l’escalier monumental du Capitole, le visiteur est immédiatement confronté à l’histoire locale grâce à un décor monumental sur toiles marouflées. Il se décline en trois panneaux illustrant un évènement fondateur pour Toulouse en tant que cité des Arts : la création des Jeux Floraux, concours de poésie en langue occitane.

Ces panneaux peints par le maître toulousain, Jean-Paul Laurens (1838-1921), illustrent la première cérémonie qui se déroula il y a 700 ans, le 3 mai 1324. Arnaud Vidal, le vainqueur de cette première joute poétique, debout sur une estrade, déclame ses vers devant les 7 troubadours créateurs du concours. Des tribunes débordant de spectateurs ont été installées dans le verger des Augustines, dont le couvent se situait hors la ville comme le dévoile la présence des hauts murs de l’enceinte. Sur la première volée de marches, les deux panneaux latéraux, de format réduit, servent d'introduction à la peinture principale.« Le couronnement de Clémence Isaure » (détail) de Paul-Albert Laurens. Phot. Stéphanie Renard, 2016 (c) Ville de Toulouse ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20163100461NUCA

Suite à cette séance initiale, le consistoire du Gai Savoir est formé et décerne au vainqueur une violette d’or, promouvant ainsi l’art poétique des troubadours.

Au début du 16e siècle, la figure de Clémence Isaure symbolisant la « fin’amor » et la tradition courtoise, apparaît. Cette femme qui aurait légué sa fortune à la ville pour l’organisation des Jeux Floraux, devient la muse de cette cérémonie. Le peintre Paul-Albert Laurens rend hommage à cette représentation légendaire en peignant « le couronnement de Clémence Isaure » sur le plafond de l’escalier.

Devenue Académie des Jeux Floraux en 1694 par décision royale, elle célébrera cette année le 7e centenaire du couronnement du premier poète occitan et donnera lieu à une exposition à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine.

Fontaine de l’immeuble 16 rue Valade. Phot. Krispin, Laure, 2003 (c) Ville de Toulouse ; (c) Toulouse Métropole ; (c) Inventaire général Occitanie, IVC31555_20033100121NUCA.

La grenouille et le lion


mars 2024
On aurait imaginé que la grenouille, animal des mares et des étangs par excellence, serait fortement représentée dans l’iconographie des fontaines, il n’en est rien. L’animal le plus fréquemment rencontré sur les fontaines toulousaines est le lion : par son museau il crache l’eau qui s’écoule dans les bassins. Dès l’Antiquité, les bouches de fontaines, les gargouilles ou les vases sont ornés de mufles de lion, animal de feu qui s’unit ainsi à l’eau. Cette tradition perdure jusqu’aux pompes à bras de la 1re moitié du 20e siècle que l’on voit dans la campagne toulousaine.

Il est vrai que la grenouille a un côté sombre, lié aux ténèbres, qui pourrait expliquer cette mise à l’écart. Son cousin le crapaud n’est-il pas le compagnon de la sorcière ?

Grenouille de la fontaine Clémence Isaure. Phot. Soula, Christian, 1981 (c) Inventaire général Occitanie.
Il faut attendre le 19e siècle pour voir se multiplier les animaux aquatiques dans l’iconographie des fontaines toulousaines, comme dans les mises en scènes des places Salengro ou Olivier :
 hérons, tortues, enfants poissons et enfants libellules s’ébattent dans des jeux d’eau. Des poissons sont mêmes ajoutés aux marmousets de la fontaine Saint-Étienne qui jusqu’alors urinaient dans l’eau à la manière du Mannenken Pis, heurtant le goût de ce siècle qui ne saurait voir.

Mais la grenouille associée à une fontaine apparaît à Toulouse avec l’œuvre de Léo Laporte-Blairsy où le pittoresque règne : Clémence Isaure, la muse des poètes toulousains, surmonte la fontaine ornée de poissons, de tortues et de grenouilles, reine d’un monde aquatique.

On retrouve la grenouille, en béton cette fois-ci, décorant la fontaine d’un immeuble rue Valade, se démarquant parmi les fontaines de la fin du 20e siècle qui préfèrent plutôt la figure traditionnelle du mufle de lion.
Salle des fêtes de Jules-Julien, négatif n&b, Jean Montariol, 1933. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 57Fi113.

Écoles et salles des fêtes


février 2024
Entre 1925 et 1935, sous l'impulsion du maire Étienne Billières, la ville de Toulouse met en place une politique volontariste d'embellissements et de constructions dont le moteur est la modernisation des infrastructures et des équipements communaux. Parallèlement à l'important programme des habitations à bon marché qu'elle subventionne, la municipalité engage la construction d'installations sociales, sanitaires, scolaires et culturelles.
Sont alors bâtis quinze groupes scolaires, six bains-douches, cinq fourneaux économiques, trente kiosques, une bourse du travail, un parc des sports et une bibliothèque municipale. L'ensemble de ces réalisations est pour la plupart signé de l'architecte de la ville, Jean Montariol.
Dans le cas de trois groupes scolaires, une salle des fêtes a également été aménagée permettant de développer les activités post-scolaires et d'offrir aux habitants des quartiers un lieu de rencontres et de réunions. Plan d'ensemble du groupe scolaire de Fontaine-Lestang, négatif n&b, Jean Montariol, 1931. Mairie de Toulouse, Archives municipales, 57Fi103.
Traités comme des éléments de prestige, ces édifices, tout en présentant des caractéristiques communes, sont différents. A Jules-Julien et Ernest-Renan, bâtis respectivement en 1933 et 1935, les bâtiments isolés sont en retrait par rapport à la rue et précédés d’une esplanade plantée. La salle des fêtes s'ouvre sur une façade monumentale très classique, à trois travées centrales, accessibles en rez-de-chaussée par un grand escalier de quelques marches et soulignées à l'étage par un balcon. Les éléments de décors sont très présents : ferronnerie des portes et du balcon, frise en mosaïque à Jules-Julien et reliefs sculptés à Ernest-Renan. 
La salle des fêtes du groupe scolaire de Fontaine-Lestang, plus tardive (1940), diffère de par son implantation et son style architectural plus sobre. Élément de liaison entre les deux groupes scolaires, elle présente une façade toujours organisée symétriquement où le rythme vertical est accentué par la large casquette en béton protégeant l'entrée.
Ces édifices, restés des lieux de rencontre, accueillent aujourd'hui un théâtre à Jules-Julien, un centre culturel à Ernest-Renan et un gymnase à Fontaine-Lestang.