Arcanes, la lettre
Chaque mois, l'équipe des Archives s'exerce à traiter un sujet à partir de documents d'archives ou de ressources en ligne. Ainsi, des thèmes aussi variés que la mode, la chanson, le cinéma, le feu sont abordés...
L’histoire a retenu les noms des prophètes des grandes religions et ceux dont les prédictions se sont réalisées, mais elle a oublié tous les autres. Et pourtant ce sont les plus nombreux : devins à la petite semaine, astrologues du dimanche, prospecteurs au doigt mouillé, ayant souvent en commun une nullité proverbiale. On recherche encore l’olibrius qui avait prédit la fin du monde pour le 21 décembre 2012 dont seul le pic de Bugarach, tel un moderne Ararat, devait réchapper. Plus prosaïquement, je me souviens aussi de cours où l’on nous expliquait doctement que les départements, en tant qu’échelons administratifs, vivaient leurs dernières heures. C’était il y a près de trente ans…
Tout le monde peut avoir son quart d'heure de nullité et les photographes n’échappent pas à la règle. Cela donne des clichés ratés, mais pas dénués d’intérêt. Nous vous en présentons un petit florilège qui va faire un tabac.
Tabac qui était très « prisé » sous l’Ancien Régime en témoignent plusieurs affaires judiciaires de l’époque que l’on pourrait résumer en ces termes : « Fumer c’est nul, mais sniffer c’est pire ».
En revanche, voter c’est très bien, même si parfois les bulletins sont nuls. Mais qu’advient-il de ces derniers après les élections ? Soyez rassurés, ils sont bien conservés.
C’est aussi le cas de la statue d’Héraklès archer réalisée par Antoine Bourdelle, ornant le monument aux sportifs morts durant la guerre 1914-1918. Vous pouvez aller l’admirer dans un écrin de verdure situé au bout du boulevard Lascrosses.
Les archéologues ne sont pas des héros antiques, mais ils se lancent souvent dans des travaux hérculéens et sont fréquemment confrontés à des énigmes dignes du Sphinx. Une opération de fouilles dans le quartier de Saint-Michel-du-Touch suscita ainsi de nombreuses questions.
Vos interrogations et recherches sont quelquefois infructueuses sur notre base en ligne. Ne vous découragez pas ! La vérité est ailleurs, quelque part dans nos fonds non référencés, dans un autre service de la Ville ou un autre service d’archives.
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Nous avions précédemment discouru sur le tabac et les risques mortels qu'il entraîne chez ceux qui fument négligemment la pipe dans les cabarets (voir Arcanes de juin 2020). Certes, on pourrait toujours nous opposer que l'affaire d'avril 1781 que nous donnions alors pour illustrer ce propos, était extrême et unique, d'autant plus que depuis le décret du 15 novembre 2006 interdisant de fumer dans les lieux publics, les pouvoirs publics y ont mis bon ordre. Mais le législateur, en bannissant cigares, cigarettes et pipes, n'a pas cru nécessaire de se pencher sur un mode particulier de consommation du tabac, celui qui consiste à priser.
Or, malgré ce que Molière a pu faire dire à Sganarelle dans la scène 1 du premier acte de Don Juan ou le Festin de Pierre (voir citation complète en bas de l'illustration), ce tabagisme-là nuit aussi gravement à la santé… Mais, peut-être pas toujours de la façon dont on se l'imagine.
Sous l'Ancien Régime, la fureur du tabac touche bien évidemment aussi les femmes. Marie Bonnet, qui ne répugne pas à priser, aurait pu gagner quelques années de vie supplémentaire et ainsi profiter pleinement de son veuvage puisqu'elle se fait subtiliser sa tabatière en argent au sortir de la messe un jour de février 1735. Las, celle-ci est retrouvée (et le voleur avec), et Marie pourra à nouveau s'adonner à son vice et s'en mettre plein le nez1. Quarante ans plus tard, en 1775, on trouve Toinette Menville qui, à l'île de Tounis, offre des prises à qui veut ; Jeanne Boué ne se fait pas prier et, béate, elle s'en barbouille les naseaux. Sauf que la générosité de la Menville masque un tout autre dessein. Discrètement elle profite de l'extase de Jeanne pour saupoudrer de tabac les bacs où se tortillent ses vers à soie, ainsi que les tas de feuilles de mûrier que cette dernière revend. Geste délibéré « quy a occasionné une prompte mort de grande partie desdits vers à soye »2 de l'élevage.
En juillet 1756, Jean Sales, négociant du lieu de Verfeil, se fait accoster sur le grand chemin en arrivant à Toulouse ; l'inconnu lui demande une prise de tabac. Trop confiant, Sales s'apprête à présenter sa tabatière à l'homme, mais c'est alors que des complices cachés surgissent et détroussent le malheureux, le délestant ainsi de sa perruque, de sa « tabatière de carton où il y a pour devise un capucin qui sort de sa grotte, donnant la main à une demoiselle ayant derrière elle une figure qui luy tient un parasol sur la teste »3, et surtout de son portemanteau chargé de deux sacs contenant la coquette somme de 1 374 livres. Sales retournera sur les lieux le lendemain. Certes, il y retrouvera sa perruque et un étrier, mais il aura la douleur de voir tout son tabac répandu à terre.
Il a fallu attendre la fin du 20e siècle pour que les autorités nous apprennent que le tabac et le vin ne font pas bon ménage ; pourtant on le savait déjà depuis 1778 au moins, car l’association des deux donna lieu à de mémorables vomissements au nommé Léger lorsque le mélange fut fait à son insu4, ou encore à cette rixe sanglante dans un cabaret à Lardenne trois ans plus tard : certains des protagonistes ayant mis par deux fois du tabac dans le gobelet de vin de Bernard Cayrole5.
Les risques liés au tabac à priser se présentent quelquefois de manière plus détournée. Ainsi, en 1735, Marie-Anne Bourgella qui fait profession de fournir du tabac en poudre pour alimenter le marché toulousain, commande un moulin à râper le tabac au maître tourneur Marin Baby6. Celui-ci lui vante les performances de l'objet permettant, assure-t-il, de râper deux carottes de tabac de deux livres chacune en moins de trois heures. Or, après plusieurs essais, Marie-Anne doit se rendre à l'évidence, le moulin ne peut râper qu'une livre en trois heures. Rapportant ledit moulin à son concepteur, elle en est pour ses frais : celui-ci l'agresse violemment et elle doit s'enfuir le visage en sang.
Enfin pour Pierre Ferré qui, visiblement, prisait un peu trop le tabac, cette addiction fut fatale. Après avoir dévalisé la boutique de la buraliste de la place Royale une nuit d’avril 1764, il se fait pincer avec un pochon rempli de « deux boettes ou tabagies de fer blanc remplies de tabac rappé, une paire de petites balances avec un demy marc, un grand pot de terre vernissé en jaune couvert d'un parchemin, rempli de tabac rappé » et encore « trois parchemins servant à froisser le tabac » ; condamné aux galères par les capitouls, le parlement cassera le jugement en appel et l'enverra priser les pissenlits par la racine via la potence.
Voilà, après avoir passé en revue les risques du tabac, d'abord celui inhalé en combustion, puis aujourd'hui celui reniflé en poudre, attendez-vous à ce que nous abordions un jour le cas du tabac à chiquer.
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1. FF 779/1, procédure # 024, du 22 février 1735. « une tabatière d'argent, fabrique de Paris, à façon de coquille, ayant au-dessus une devise qui est deux paquets de flèches, un cœur enflammé et deux tourterelles ».
2. FF 819/5, procédure # 108, du 16 juin 1775.
3. FF 800/5, procédure # 187, du 15 juillet 1756.
4. FF 822/9, procédure # 207, du 28 octobre 1778.
5. FF 825/1, procédure # 023, du 8 février 1781.
6. FF 779/2, procédure # 045, du 21 avril 1735.
7. FF 808/3, procédure # 046, du 2 avril 1764.
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La période électorale est l’occasion de revenir sur la conservation des archives des élections politiques. Le Maire est responsable de l’organisation des élections, c’est une prérogative qu’il exerce en tant qu’agent de l’État, sous le contrôle du Préfet. A ce titre, les services municipaux sont chargés d’établir les listes électorales, d’établir et envoyer les cartes d’électeurs. Ils organisent également les opérations de vote. Pourtant, la direction des Archives n’est pas responsable de la conservation des archives produites au cours des opérations de vote, à l’exception des procès-verbaux des opérations électorales par bureau. Ainsi, aux Archives municipales, vous pouvez consulter les listes électorales générales - sans émargement – et les dossiers d’organisation des élections. Ils vous renseigneront sur l’organisation de chacun des bureaux ou vous permettront de consulter les listes des présidents, assesseurs et secrétaires des scrutins.
En revanche, ce sont les directions des Archives départementales qui archivent l’essentiel des documents issus de ces opérations : instructions générales sur le déroulement des scrutins, documents de propagande électorale, listes d’émargement et bulletins nuls par exemple. La Gazette des Communes, dans un article publié en avril 2022, a diffusé des exemples de bulletins nuls, pépites issues des fonds d’archives des Archives départementales du Val-d’Oise. Ces documents ont d’ailleurs été une des sources des travaux de Jérémie Moualek, un sociologue qui s’intéresse aux votes nuls et blancs.
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Avant d’être l’instrument d’une discipline olympique, l’arc était utilisé comme arme de guerre et de chasse. C’est d’ailleurs grâce à ses flèches qu’Héraclès vient à bout des oiseaux du lac Stymphale, l’un de ses douze travaux. Antoine Bourdelle représente le corps musculeux du héros, tout en tension dans un déséquilibre savant, dans son Héraklès archer créé en 1909. Le succès de cette œuvre est très vite phénoménal et de nombreuses versions en bronze sont éditées : on peut la voir au musée d’Orsay, dans le jardin de Waldemarsudde à Stockholm, au Metropolitan Museum of Art de New York et dans bien d’autres endroits encore. Mais nulle part ailleurs qu’à Toulouse vous ne verrez l’Héraklès archer associé à un moment aux morts.
Le long du canal de Brienne, au débouché du boulevard Lascrosses s’élève un petit temple antique en béton au centre duquel le héros grec représente l’hommage rendu au Sport et aux sportifs morts à la guerre de 1914-1918. La commémoration s’incarne dans la figure d’Alfred Mayssonié, « athlète le plus représentatif du rugby d’avant-guerre » […] « tué d’une balle au cœur à la bataille de la Marne, le 8 septembre 1914 ». Le médaillon du demi-d’ouverture du Stade Toulousain est également conçu par Bourdelle, tout comme l’architecture du monument à laquelle le sculpteur accordait une grande importance. Voici ce qu’il écrit le 17 juillet 1923 : « Je terminais mon premier monument d’architecture où la sculpture est mon souci de second plan ».
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C’est clairement spécifié dans l’un des principaux articles du code du Patrimoine : « Nul ne peut effectuer sur un terrain lui appartenant ou appartenant à autrui des fouilles ou des sondages à l'effet de recherches de monuments ou d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie. » Sauf qu’en lisant jusqu’au bout, on trouve la nuance : « …sans en avoir au préalable obtenu l'autorisation. » Donc, en théorie, un nul pourrait quand même être autorisé à fouiller. Un manuel lui sera alors peut-être utile. Dans une collection de publications à couverture jaune très connue, on ne trouve pas encore de tome intitulé L’Archéologie pour les Nuls. Mais La Préhistoire pour les Nuls est déjà disponible. Et on y parle d’ailleurs de Toulouse.
Dans les années 1960, les archéologues y ont été confrontés à une énigme sur le site néolithique de Saint-Michel-du-Touch. Des centaines d’empierrements, de forme circulaire ou rectangulaire, ont d’abord été interprétés comme des fonds de cabanes. Mais des préhistoriens pas-si-nuls, observant que les galets qui les composaient étaient brûlés, ont fini par comprendre qu’il s’agissait de structures de combustion dédiées à la cuisson. Dorénavant bien identifiés, on repère maintenant fréquemment de ces foyers à galets chauffés sur de nombreux sites de la préhistoire récente ou de la protohistoire ancienne, comme on le voit sur l’illustration ci-jointe. Il n’en reste pas moins que l’étonnante concentration observée sur le site toulousain pourrait faire penser que notre ville a connu un véritable « âge du barbecue… » .
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Quelle frustration, lorsque l’on cherche un document sur notre base de données, de voir cette ligne s’afficher ; je compatis, cela m’arrive aussi. Voici quelques exemples que nous rencontrons parfois :
“Je cherche l’acte de naissance de ma grand-mère, le 14 novembre 1925.”
-> Aïe, les registres sont conservés par le service de l’Etat civil, qui nous les verse au bout de cent ans, puis nous les faisons numériser pour les rendre accessibles. L’année 1925 devrait donc être disponible courant 2026.
“Peut-être aurai-je davantage de chance avec l’acte de naissance de son père, le 8 avril 1892. Non ? C’est étrange, je suis absolument certaine de la date et de l’orthographe...”
-> Il possible qu’il ne soit pas sur la commune de Toulouse. Tentez votre chance aux Archives départementales.
“Nous projetons d’acheter une maison construite en 1967 à Toulouse et avons besoin de consulter les plans, mais nous ne les trouvons pas.”
-> Le module “Autorisations d’urbanisme” devrait vous aider, pensez à explorer aussi les modes de recherche Avancé et Expert. Ayez toutefois à l’esprit que le contenu des permis de construire n’est consultable qu’en salle de lecture.
Et parfois, en effet, les documents recherchés ne sont pas dans la base de données parce qu’ils ne sont pas encore traités, pas encore versés, pas encore décrits, non accessibles, ont dépassé leur durée limite de conservation et ont été éliminés, ou tout simplement parce qu’ils n’existent pas.
N’hésitez pas à nous contacter ou même à venir en salle de lecture, du lundi au vendredi de 9h à 13h, nous nous ferons un plaisir de vous accompagner dans votre recherche.