Pourquoi pas blanchi ? Tout simplement car nous vous emmenons sous l'Ancien Régime, là où l'orthographe telle que nous l'imaginons n'était pas vraiment de mise. D'ailleurs, le sens que l'on donne aux mots a aussi varié depuis...
Tenez, pour en revenir à notre blanchy.
Lorsqu'un capitoul était blanchy cela ne signifiait certainement pas qu'il avait prouvé victorieusement son innocence (affaire de mœurs, de détournement de fonds publics, ou autre encore), ni qu'il était maquillé à outrance, ni même qu'il s'était fait enfariner ou entarter par un contestataire facétieux. Non, c'était tout simplement que ce capitoul avait certainement accompli une action si vilaine que ses pairs avaient décidé que son portrait serait blanchy, c'est à dire effacé des tableaux de l'hôtel de ville ainsi que du registre des Annales manuscrites.
Vous imaginez l'arrivée au purgatoire d'un homme politique actuel, dûment blanchi par la justice dans une affaire quelconque (de blanchiment d'argent par exemple), rencontrant ses homologues de l'Ancien Régime et se gargarisant d'avoir été blanchi. Stupeur et incompréhension des premiers face à cet individu hilare qui, pour eux, se vante d'avoir été reconnu coupable.
Jusqu'aux commis du purgatoire (ont-ils un nom ceux-là ?) qui, ne maîtrisant certainement pas les subtilités de l'évolution de la langue française, pourraient bien rediriger le nouvel arrivant vers les enfers.
Revenons maintenant à nos capitouls.
En 1715, Jean-Joseph de Pradines, (capitoul en 1694, puis de 1705 à 1708), est condamné pour crime de concussion et malversation. L'arrêt du parlement (AA27, n° 156) déclare qu'il sera pendu (par effigie, car il a tout de même pris la précaution de filer) et la chronique des Annales manuscrites (BB283, p. 4) précise qu'il sera blanchy des tableaux et des livres de l'Histoire de l'hôtel de ville ; le peintre Escoubé, sera chargé de cette opération (CC2733, n° 42).
Ce qui est un peu cocasse, c'est que, d'un côté on paie un peintre pour blanchir son portrait, et de l'autre, on commissionne quelqu'un (peut-être encore Escoubé) pour faire le portrait du même personnage, afin de pouvoir le suspendre à la potence lors de sa pendaison par effigie !
(s'il y en a qui ne savent toujours pas en quoi consiste une exécution par effigie, ils auront la réponse en téléchargeant le dossier des Bas-Fonds d'avril 2016).
Pour tout vous dire, si Jean-Joseph de Pradines a effectivement été blanchy, il aura certainement aussi été blanchi par la suite puisqu'on le retrouve à Toulouse en 1733, alors qu'il rédige son testament (Archives départementales de la Haute-Garonne, 3E6095, f° 2423-2425, Payan, notaire), dans lequel, apparemment blanc comme neige, il se dit ancien capitoul. Revêtu d'une nouvelle virginité, il s'éteindra finalement le 9 février 1739, à l'âge de 80 ans (GG714, f° 30).
Alors, est-il monté au Purgatoire ou en Enfer ? Qui saurait dire...
Jean-Joseph Pradines, le capitoul aux 50 nuances de blanc ?